Féérie du chaos
Dans la galaxie en triste expansion du blockbuster, il est recommandable de revenir de temps à autre aux fondamentaux : pour savourer, et comprendre à quel point le savoir-faire en terme de cinéma...
le 12 janv. 2018
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Fasciné par les avancées scientifiques de son temps, Michael Crichton est souvent considéré comme étant l'un des pionniers du genre techno-thriller, qui consiste à développer une intrigue contemporaine de politique / fiction dont la résolution passe par l'usage de moyens technologique de pointe. Parmi ses romans les plus connus se trouve Jurassic Park, où une puissante compagnie parvient à donner vie à des dinosaures grâce au clonage.
Steven Spielberg est en contact avec Michael Crichton avant la parution du roman. Il fait parti des cinéastes qui proposent à l'auteur d'acheter les droits d'adaptation du roman au cinéma et c’est grâce au studio de production Universal que Spielberg les obtient. Crichton fournit les premières versions du scénario, mais laisse ensuite Spielberg le faire retravailler à sa guise. Crichton explique son travail sur le scénario en termes de raccourcissement, de simplification et de compromis dus à des contraintes principalement budgétaire.
Contraintes budgétaires, mais aussi temporaires, parce que Jurassic Park est roman très long. Il faut raccourcir l’histoire. Le scénariste David Koepp est engagé pour retravaillé le scénario pour aboutir au résultat final qui met de côté une grande partie de l'exposition et de la violence du livre. C’était une obligation, même si Michael Crichton se montre un peu déçu :
C'est un livre indéniablement long, et le scénario ne peut garder qu'entre 10% et 20% de son contenu environ. Alors ce que vous essayez de faire en réalité, c'est de créer une sorte de nouvelle qui reproduit la qualité du roman, préserve l'ensemble de ses scènes marquantes, et garde le flux logique qui apparaît dans la discussion beaucoup plus longue et plus développée du roman.
Steven Spielberg engage Stan Winston pour créer les dinosaures en animatroniques, Phil Tippett (qui connaît bien les dinosaures ayant réaliser son court-métrage Prehistoric Beast) pour créer les dinosaures en stop-motion, ainsi que Michael Lantieri et Dennis Muren pour superviser la composition numérique. Le paléontologue Jack Horner supervise quant à lui les designs, pour satisfaire le désir de Spielberg de représenter les dinosaures comme des animaux plutôt que des monstres.
Stan Winston, Phil Tippett, Michael Lantieri et Dennis Muren vont d’ailleurs recevoir l’Oscar des meilleurs effets visuels pour leur travail.
Cependant, Steven Spielberg trouve toujours les résultats finaux insatisfaisants pour quelques passages du film. Les animateurs Mark Dippé et Steve Williams vont de l'avant en créant un cycle de marche pour le squelette du Tyrannosaure par ordinateur et on les encourage à en faire plus. Quand Steven Spielberg et Phil Tippett découvrent l’animation du Tyrannosaure chassant un troupeau de Gallimimus, Spielberg déclara « You're out of a job », ce à quoi Phil Tippett réplique « Don't you mean extinct ? ». Réplique qui sera exactement inclut dans le script.
Grâce aux effets numériques, Steven Spielberg va pouvoir nous faire croire à la véracité de ces incroyables animaux. Le spectateur ne doit pas se préoccuper des trucages et donc de les détecter, il doit être transporté en découvrant ces bêtes que l’homme n’aura jamais eu l’occasion de croiser. L’utilisation des CGI a ici un véritable sens car elle sert à offrir ce qui n’aurait jamais pu être concrétisé de manière si crédible autrement. Mais le travail méticuleux de l’équipe des effets spéciaux ne fait pas tout et Spielberg l’a également compris. Il faut mettre en valeur ces visions d’un autre monde. Toute l’émotion du film passe ainsi par les capacités de mise en scène de Spielberg, ses choix de cadrages et de découpages s’avérant constamment pertinents pour nous émerveiller ou nous terrifier.
La réflexion sur la technologie de Michael Crichton, alliée à l’emploi des CGI par Steven Spielberg, conduit le film à se teinter d’une parabole sur le septième art. Spielberg détourne les questionnements de Crichton pour les faire siens et s’interroge sur la technologie particulière qu’il utilise. Il n’y a qu’à prendre les attitudes paradoxales du personnage de Grant. Ce dernier est atteint de cyberphobie, pourtant, il se montrera tout aussi impressionné que le spectateur face aux dinosaures recréés par cette même technologie. Spielberg mettra ainsi dans sa bouche la réplique que lâcha Phil Tippett lorsqu’il découvrit les tests en CGI « Don’t you mean extinct ? ».
Jurassic Park sort en 1993 et révolutionne les effets spéciaux au cinéma.
John Hammond parvient à redonner la vie à des dinosaures grâce à de l’A.D.N trouvé sur des moustiques. Il souhaite ouvrir un parc d’attractions où le monde entier pourrait venir voir les dinosaures. Cependant, un accident avec des Velociraptors entraîne la mort d’un ouvrier. Les actionnaires demandent alors l’aide des Professeurs Alan Grant, Ellie Sattler et Ian Malcolm afin de rendre un rapport sur les conditions de sécurité du parc. Cependant, Dennis Nedry, un ingénieur du parc, collabore avec la concurrence et vole des embryons de dinosaures. Il en profite pour couper les systèmes de sécurité du parc, libérant les dinosaures des enclos.
Comme souvent, Steven Spielberg utilise sa fameuse thématique de l’adulte resté en enfance, en la personne de John Hammond, Richard Attenborough incarne ce vieil excentrique qui réalise son rêve d’enfant et le rêve de nombreux enfants en redonnant vie aux dinosaures. Il a passé sa vie à avoir ce projet en tête, et pour lui, gérer un parc de dinosaures est pareil que de gérer un cirque de puces miniatures, comme lors de son début de carrière.
Steven Spielberg choisit ce personnage pour s’en servir comme une introspection. Il est cet homme aujourd’hui riche et reconnu, mais plein de rêves en tête, parti d’un spectacle modeste pour, aujourd’hui, grâce à ses moyens, créer quelque chose de jamais vu, d’inédit, et d’émerveiller le public, chose qui semble aujourd’hui impossible. Il faut, quand même, en arriver à recréer des dinosaures pour développer une source d’émerveillement. Le côté improbable de la chose permet de comprendre la difficulté à surprendre un public toujours friand de choses plus sensationnelles.
Les enfants seront interprétés, d’abord par Joseph Mazzello pour Tim qui espérait décrocher le rôle du fils de Peter Pan dans Hook à l’époque. Steven Spielberg inversera les âges des deux enfants du livre pour préparer son film lorsqu’il choisira Ariana Richards dans le rôle de Lex. Ses cris sincères et redoutables à l’audition permettent à la toute jeune actrice de damer le pion à une autre future grande comédienne jusqu’alors dans la course, une certaine Christina Ricci. Spielberg ne souhaite pas vraiment engager de grandes têtes d’affiche, sans doute pour ne pas faire ombrage aux superstars de sa nouvelle production : les dinosaures.
Méconnu aussi du grand public, on se souvient toujours, de l’imperturbable Sam Neil qui campe le Professeur Grant. Un personnage qui subit une évolution très intéressante, notamment son rapport aux enfants. On peut aussi compter sur Laura Dern, qui joue la paléo-botaniste Sattler directement conseillé par David Lynch lui-même. Et bien sûr, comment ne pas parler du physicien Ian Malcolm et de sa célèbre théorie du chaos. Jeff Goldblum a le personnage le plus intéressant du film. Si de prime abord, tout le monde semble émerveillé par les dinosaures, le physicien met en garde sur les dérives des naissances contrôlées. Il apporte un poids deux mesures, pour contrebalancer l’émerveillement du film.
Il y a des sagas légendaires, de celles que tout le monde connaît, de celles que tout le monde cite. Il y a des musiques iconiques, en l’occurrence ici la superbe bande-son composée par l’indéboulonnable John Williams, qui est à ranger parmi les plus légendaires de celles du cinéma.
En plus de la bande-son iconique, Gary Rydstrom et son équipe reçoivent un Oscar pour le meilleur mixage son et un autre Oscar pour le meilleur montage son.
C’est probablement cela qui nous manque régulièrement au cinéma, cet émerveillement enfantin et innocent, souvent entravé par un rationalisme qui a tendance à nous rendre plus blasés et moins impressionnables. Steven Spielberg y parvient, en réussissant à nous faire lâcher prise pour rentrer dans son univers.
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Créée
le 17 mars 2023
Critique lue 26 fois
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