Cher Colin,


Je me permets de t’appeler ainsi. Je t’écris cette lettre après avoir assisté à la projection de ton dernier film, Jurassic World, le jour de sa sortie, soit le mercredi 10 juin 2015. Cela serait mentir que de dire que je ne brûlais pas d’impatience de découvrir ton œuvre, suite d’une licence devenu culte grâce à Jurassic Park (sorti en 1993 et réalisé par Steven Spielberg) que j’apprécie beaucoup. Les 2 autres volets, il faut l’avouer étaient dispensables bien que non dénués de bonnes idées (surtout Le Monde Perdu). Mais je ne suis pas ici pour faire un procès de ces 2 films. Mais avant de continuer plus loin, il me fait te confesser quelque chose.


En effet, Jurassic Park, 1er du nom, fut mon film maudit pendant de longues années, presque 20 ans. Lors de mon enfance, à chaque fois qu’il passait à la télé et que je voulais le voir, il se passait toujours quelques choses qui m’empêchaient de voir la fin. Et à l’époque, il n’y avait pas le téléchargement. De ce fait, j’ai lâché l’affaire pendant plus de 10 ans et puis l’année dernière, j’ai décidé d’acheter le blu-ray. Enfin j’ai pu voir la fin, je me sentais vivant. Tu ne peux pas imaginer la frustration qui m’habitait pendant toutes ces années. Moi qui gosse adorait les dinosaures et qui avait les yeux qui pétillait quand je visionnais le début de Jurassic Park. Le seul Jurassic Park que j’ai vu en entier c’est le 3ème et le pire c’est que je l’appréciais. J’appréciais aussi Vercingétorix, tu peux donc imaginer sans aucun problème le degré de mon niveau intellectuel. Mais j’ai changé rassure-toi. Malgré tout, je garde encore des séquelles. Je jalouse ceux qui ont grandi en ayant vu la fin de Jurassic Park, leur plaisir à en parler. Et moi qui m’enfonçait dans mon mensonge, en faisant croire que moi aussi je l’avais vu, pour ne pas être railler par la masse qui sans cesse me lasse. J’ai le cœur qui saigne, rien que de penser à tout cela. J’aimerais revenir en arrière et rectifier le tir, supprimer ces « quelques choses » qui m’ont obligé à vivre avec cet handicap. Si tu savais comme je leur en veux.


Tu peux donc aussi imaginer, la joie que j’ai ressentie lorsque le projet d’un Jurassic Park 4 a émergé, puis a été confirmé. C’était l’occasion pour moi de ne pas refaire la même erreur, d’être dans les premiers à voir le film, ne pas avoir la frustration d’avoir manqué la fin et pourtant un drame a faillit se produire durant la séance (j’y reviendrais). Il fallait que je le voie coûte que coûte, l’une de mes raisons de vivre. Le destin me mettait à l’épreuve, à moins de prouver que j’étais digne de réussir cette mission. Et une fois celle-ci achevée, que me resterait-il me dirais-tu ? Il y a Star Wars 7 et Batman VS Superman ensuite faites de moi ce que vous voulez. Le Saint Graal reste tout de même Star Wars. Je ne dis pas que la licence à laquelle tu appartiens ne compte pas finalement pas, mais comprends-moi, j’ai grandis avec Star Wars, j’ai vu une centaine de fois la fin des épisodes IV, V et VI, puis ce fut le tour du Seigneur des Anneaux qui m’a réellement fait aimer le cinéma. Jurassic Park c’est le visage de ma réelle frustration cinématographique, celle qui nous hante toute notre vie. Les autres frustrations ou déceptions cinématographique ne sont que des poussières d’étoiles dans l’univers, des mauvais films qui ne valent pas la peine de perdre plus de temps dessus. Jurassic Park c’est ce cinéma qui vous plonge dans un monde fantasmagorique, ne pas le voir en entier est un drame d’où le fait que je parle de frustration. Mais bref passons. Nous ne sommes pas là pour rester bloquer dans le passé, à revivre continuellement ce traumatisme. Il faut avancer.


Avant de réellement rentrer dans ma critique du film, je dois aussi être honnête sur un autre point : Toi. Ta présence derrière la caméra ne me faisait ni chaud ni froid, qu’importe si tu n’avais réalisé qu’un seul long-métrage (Safety Not Guaranteed), que j’ai apprécié soit dit en passant. De ce fait, je n’allais pas voir le film pour toi, mais simplement parce que c’était Jurassic Park. Lorsque ton nom a été annoncé pour réalisé ce 4ème épisode, je ne te connaissais pas. Mais à présent, j’essayerais de suivre ta carrière.


Maintenant que les choses sont dites, nous pouvons entamer la critique.


Si je brûlais d’impatience de voir Jurassic World, j’essayais de ne pas trop en attendre. Il faut l’avouer les plus grosses attentes sont parfois les plus grosses déceptions. Mais calmer mes ardeurs était chose très difficile. J’étais comme un fou lorsqu’on m’a proposé de le voir le jour de sa sortie. Je comptais les secondes et les minutes, allant au WC un milliard de fois avant pour ne pas être dérangé (hum !). Je m’empêchais de respirer pour pouvoir inspirer toute la magie du film. J’ai mangé pour ne pas avoir faim. J’ai vérifié un million de fois mon portefeuille pour ne pas oublier ma carte ciné. J’étais au taquet comme tu peux le voir. J’avoue, j’en fais peut-être un trop et certains qui me liront penseront que je suis dans l’ironie, ce n’est pas le cas.


Quand le film a commencé, j’avais un sourire à s’en décrocher la mâchoire. J’ai eu les yeux qui brillaient pendant toute la première partie du film et plus précisément la présentation du parc. Le rêve de John Hammond était enfin réel. Lui qui avait dépensé sans compter serait fier de son bébé. Certes, prendre des gosses pour nous « faire la visite » fait redite avec Jurassic Park et manque d’originalité. Mais c’est aussi parce que c’est à cet âge-là que tout nous sommes plus facilement émerveillé parce qui nous entoure. L’une des idées du film c’est que le Jurassic World existe depuis 20 ans et que le publique en redemande toujours plus, comme le spectateur devant les films, d’où la volonté de « créer de nouvelles espèces ». Dans le parc, ce sont les enfants qui sont les plus joyeux devant tout ce qui les entourent, ils s’amusent vraiment. Les autres sont plus blasés parce que voir un dinosaure c’est comme voir un chat, pour qu’on s’y intéresse, il faut qu’il y ait un truc en plus. Et personnellement, j’ai regardé ta présentation du parc avec mes yeux de gosse, j’avais envie de tout visiter, tout voir. Toucher ce que jamais je ne toucherais jamais, monter sur un dinosaure, etc... J’avais envie d’y être et j’y étais d’une certaines manière. Cela peut paraître con de dire ça, mais nous vivons dans un monde blasé de tout, où l’on pense que notre avis a plus de valeur que l’autre parce que voilà c’est comme ça, et d’une certaine manière, je suis blasé des gens blasés. De ce fait, je fais mon hipster en n’embrassant pas cette foule de blase attitude.


Je ne suis pas allé voir Jurassic World en me disant que de toute manière, il ne fera jamais mieux que Jurassic Park ou même en ayant en tête ce dernier. J’y suis allé pour voir le film en tant que tel. Qu’importe si c’est un remake ou un reboot ou une suite, c’était un film et puis c’est tout. La seule question qui m’importait était : est-ce que c’est bien ou pas ?


Et oui putain que c’est un bon film. Alors oui, le déroulement de l’histoire est assez classique et pas très original finalement. Il y a peut-être un peu trop de redite avec Jurassic Park et il est vrai que la frontière entre hommage, clin d’œil, fil rouge et copier/coller est mince, mais cela ne rend pas l’ensemble imbuvable. Jurassic World fonctionne par lui-même et il n’est pas nécessaire de voir les autres pour le comprendre. Et ce n’est pas parce que nous avons adoré Jurassic Park que nous ne pouvons pas aimé ce film, le contraire étant possible aussi.


Le fait de multiplier les points de vue est une bonne idée de la part des scénaristes (Rick Jaffa, Amanda Silver, Derek Connolly et toi), bien qu’un peu décousue au début. Le puzzle semble morcelé au début, mais plus le film avance plus chaque pièce trouve sa place. Cela permet de voir le parc à la fois comme spectateur, comme employé ou comme patron. Ainsi, on comprend plus facilement les enjeux et les motivations de chacun. Certes ce n’est pas inédit comme procédé, mais c’est bien traité et intéressant à voir. Malgré tout, Jurassic World reste assez linéaire dans son déroulement, comme l’était Dawn of The Planet of the Apes par exemple ; tu noteras que j’ai pris ce film en exemple car le scénario est l’œuvre de tes collaborateurs Rick Jaffa et Amanda Silver, mais cela n’empêche pas au scénario d’être intéressant, d’avoir un déroulement logique. Les personnes n’agissent pas de manière déraisonnée, sauf les gosses, mais après tout ce sont des gosses donc des cons.


En parlant d’eux, ils font office de « spectateurs ». Nick Robinson et Ty Simpkins sont un peu plus clichés, surtout Nick Robinson qui joue l’ados rebelle qui s’en fout de la life et qui préfère être bien vu par les filles plutôt que de regarder ce qui l’entoure, au début, mais jamais ils ne nuisent au récit ou l’empêchent d’avancer. Certes, ils ont parfois des réactions un peu connes, mais si tout le monde agissait de manière normale, il n’y aurait pas de film après tout. Sans rentrer dans les détails, de manière générale, les personnages du film sont dans la même veine que l’exemple que je viens de donner. Ils agissent en général de manière rationnelle.


Concernant le récit en lui-même, pour être un peu plus précis, il est intéressant aussi bien dans les thèmes qu’ils abordent que dans le déroulement de l’histoire. Jurassic World se moque de justement ce qu’on commençait à lui reprocher à travers les bandes-annonces : la création d’une nouvelle espèce (l’Indominus Rex) et le nom de celui-ci, le fait de vouloir en faire trop. Mais il ne fait pas que sans moquer, il le dénonce en expliquant pourquoi les scientifiques et les patrons du parc agissent en voulant toujours en faire plus. Certes, cela fait enfonçage de portes ouvertes mais au moins il le fait. Un Captain Obvious est parfois plus pertinent qu’un mec balançant juste un : « Je te l’avais dit ». Autre exemple, l’élevage des raptors qui a fait couler beaucoup d’encres. Sans dévoiler, c’est très bien expliqué et très intéressant. Pour revenir sur l’Indominus Rex, élément plus qu’important du film vu que c’est lui qui fout la merde. Je dois t’avouer que j’avais peur avant d’aller voir le film, mais mes craintes s’effacèrent à mesure que le film défilait devant mes yeux. Là où un film comme Godzilla échouait dans le traitement du monstre en question et dans ses apparitions, Jurassic World ne fait pas cette erreur. Etant l’élément perturbateur, l’Indominus Rex se devait d’avoir une pertinence et pas être juste là parce que c’est un gros dinosaure. S’il fout la merde, il ne faut pas que cela soit juste pour amener des scènes d’actions inutiles, il faut que cela fasse avancer le récit et que ses apparitions soient pertinentes. Ce qui est le cas. Le contrat est réussi.


En termes d’action, on en a pour notre argent. On appréciera la fin un peu WTF, ou pas. Moi j’aimé. Au niveau de ta réalisation, elle est bonne mais manque un peu de personnalité, mais cela n’handicape pas le récit. La mise en scène est à la hauteur du film.


Concernant le casting, Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Nick Robinson, Ty Simpkins, Irrfan Khan, Vincent D’Onofrio, Omar Sy font le taff.


Dernier gros point positifs, la partition de Michael Giocchino est géniale et habille bien le film. Certes, il reprend le thème principal, mais cela ne pouvait pas en être autrement. Elle donne le souffle épique qu’il fallait.


Tout ça pour te dire, merci pour ce moment. Même si j’ai failli avoir un accident, en effet, au bout d’1h45, j’ai eu une terrible envie d’uriner. J’ai bien cru que j’allais devoir quitter la salle mais le terrible de la malédiction Jurassic m’a donné la force de tenir. Et j’ai réussi. J’ai réussi.


mr-edward

Manu_Guillaume
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le 11 juin 2015

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mr. edward

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