Bon passons les défauts du film. Il y en a beaucoup, à commencer par un scénario très plat et caractéristique de cette tendance foutage de gueule des blockbusters américains génériques : spectateur pas penser, spectateur bouffer effets spéciaux numériques, spectateur content. Indigestion. Vomi partout.
Et puis bon aussi ce que j’appelle le "syndrome Godzilla" : un gentil gros monstre vient nous sauver les fesses, et c’est cool il se barre à la fin sans prendre de casse-dalle pour se récompenser. C’est sympa ça, décidément il est bien gentil ce gros monstre.
Non moi ce qui m’a le plus gêné, c’est l’impression (que j’ai d’ailleurs eue pendant le film, et pas seulement à la sortie, ce qui en plus des commentaires de ma voisine chiante m’a un poil gâché la projection), l’impression constante que le film s’excusait d’être là. Pardon d’exister.
Ben oui, on est bien au-delà des références-hommages appuyées (enfoncées dans ta rétine) au premier Jurassic. Le tee-shirt du geek fan de dinos, l’entrée symbolique et les locaux du premier parc, les vieilles jeep, les éléments du nouveau parc qui évoquent les travaux de la première équipe (qui sont là à la limite justifiés, on trouve la même tendance dans les vrais parcs, genre avec l’histoire d’une certaine souris à sa naissance et l’évolution d’un empire)… et puis bon un certain gros lézard sympathique qui a fait la réputation de tout un film, un putain de dinosaure qui m’a traumatisée petite malgré ses petites pattes de devant ridicules, et que j’aime de tout mon cœur.
Bien au-delà des références-hommages donc, car tous ces éléments je les ai vus comme des excuses que nous donnait Jurassic World. Ce pauvre quatrième film a tellement conscience qu’il est le quatrième et tellement peur d’être un Indiana Jones et le Royaume du crâne de cristal, qu’il déclare dès le départ et tout au long de l’histoire : « hé, franchement, moi aussi je trouve que le premier film est le meilleur. Désolé d’être là. Tiens, reprend du T-Rex. »
C’est pas pour rien que le mec au tee-shirt survit. Parce qu’il kiffe le premier parc. Que les vieilles jeep fonctionnent et permettent aux gamins de se sauver, à la différence des bulles nulles qui pètent au premier mâchouillage. Que le T-Rex d’amour a le dernier mot et crie haut et fort sa classe ultime en dominant un parc en ruine – son territoire. Non mais. Parce que le premier film est mieux. Et que le réalisateur et les scénaristes en ont conscience.
Cette mise en abîme se retrouve aussi dans tout le discours des personnages qui répètent (encore et encore et encore) que le parc est entré dans un cercle infernal de « toujours plus de… » pour contenter l’appétit insatiable des… visiteurs. Toujours plus gros, toujours plus de dents. Au détriment de quelque chose ; ici les lois de la nature et la sécurité (hein quand même). Mis en parallèle avec le système des productions cinématographiques, on évoque une triste réalité bien réelle. Toujours plus rapide, toujours plus impressionnant, toujours plus d’effets spéciaux. Au détriment du scénario.
[ D'ailleurs, ce n'est pas sans mettre le spectateur dans le rôle dérangeant d'un voyeur. Alors oui, au cinéma on est toujours voyeur. Mais là le parallèle entre les spectateurs du parc qui sont assis sur les gradins pour attendre le repas de la grosse baleine préhistorique de la mort de la classe qui tue, avec le spectateur de film de dinosaures qui n'attend que le moment où les figurants vont se faire boulotter par les lézards affamés, ce parallèle là il n'est pas juste souligné, il est projeté sur la lune avec le rayon de Zorglub ! C'est un peu une façon de se dédouaner non ? regarde spectateur ce que tu m'obliges à faire ! C'est ta faute, parce que tu en veux toujours plus, qu'on en arrive là... Ce qui finalement m'a (presque) gâché le pique-nique des ptérodactyles qui picorent les humains : je me disais "merde, je vaux pas mieux que les gens qui viennent dans ce parc pour voir un T-Rex bouffer une pauvre chèvre..."
Pourtant, j'ai failli pleurer de jalousie quand j'ai vu le micro parc pour enfants où ces petits privilégiés pourris peuvent monter sur des dinosaures de poche ! ]
Beaucoup de gens ont dû ressentir ça je pense, ce regret de ne pas (plus) pouvoir faire de film impressionnant sans contraintes énormes et ridicules (comme les contraintes des scientifiques de Jurassic World, qu’on engueule alors qu’ils répondent à la demande de leurs patrons). Il faut ça, et ça et ça. Mais, patron, et le spectateur il va pas avoir un peu l’impression qu’on le prend pour un con si on ne fait pas plus d’efforts sur le scénario ? Mais non, ta gueule c’est la magie du cinéma. Ah. Bon.
Ce regret, couplé à cette manie de s’excuser et de rappeler que Jurassic Park était le meilleur et qu’on ne peut pas l’égaler, ça laisse une drôle d’impression quand même. Un arrière-goût très mélancolique et terne.
Alors bon, on se résigne, on se tortille dans son fauteuil de cinéma et on regarde le combat final à la fois ridicule d’incohérences et kiffant de badassitude de mon T-Rex préféré de la terre du monde.
On se résigne…
(Mais bon c'est peut-être juste mon ressenti parce que mon petit coeur est brisé)