Ce remake débarque dans une ribambelle de reprises. C'est assumé, et c'est là qu'est la réussite du film. "Jurassic World" est à prendre à la dérision, il se joue de la société de consommation dans toute sa dimension.
Le scénario abuse des clichés scénaristiques habituels aux films Hollywoodiens. Les personnages sont tous extrêmement caricaturaux. Chris Pratt le héros misogyne "so cool" digne héritiers d'Harisson Ford, Bryce Dallas Howard la femme en détresse qui se débride, les enfants qui se rapprochent dans la panade, Omar Sy en bon copain dévoué et fidèle, enfin Vincent D'onofrio en bad-guy aux antipodes du fin Caïd de "Daredevil"; tous en font des caisses, si bien que c'en est drôle.
Comme souvent la surenchère d'invraisemblance est cocasse. Outre les personnages, le déploiement de la trame est aussi subtil que ses méchants. Le film est risible de ses flagrantes incohérences scénaristiques et de ses péripéties saugrenues. C'est si ridicule que ça paraît clairement assumé, voir ironique dans le fond.
Le film abuse du placement de produits en même temps qu'il s'en moque. Entre le labo Samsung et les Pepsisaurus, se cache le paradoxe. Le parc Jurassic World est une illustration très éloquente de notre époque et de sa consommation de masse. Regard cynique sur ce que peuvent être les parcs zoologiques et les traitements inhumains infligés aux animaux. Aucune considération n'est faite aux Dinosaures, ils ne sont que produits de commerce. On isole et on rassemble les bébés pour attirer les enfants qui grimpent dessus comme sur des jouets.
Comme l'émerveillement s'essouffle, que les chiffres ne sont plus bons, il faut en faire plus. Alors on pousse le progrès jusqu'à créer une grosse bébête génétiquement modifiée pour faire « cauchemarder les parents ». Oui mais voilà, à force on ne contrôle plus le progrès et ça dépasse l'entendement. Tout cela est un reflet d'une justesse étourdissante du monde moderne. Forcement ce questionnement sur la société spectacle est hyper méta-fictionnel.
Le propos met le spectateur à la place des visiteurs et l'équipe du film à la place de celle du parc. Ce n'est peut-être pas aussi simple et probant que cela, mais il y a l'idée. "Jurassic World" se moque des travers d'Hollywood, notamment son obsession de toujours vouloir en donner plus à son public, en spéculant sur ses attentes. L'omniprésence des dinosaures en hologrammes conjugue cette allégorie du cinéma IMAX et cie.
Il y a aussi un regard plus précis sur la franchise à travers les parallèles entre Jurassic Park et Jurassic World (les parcs et les films). Il est question de nostalgie, le remake se construit alors logiquement sur les ruines du chef-d’œuvre de Spielberg. C'est aussi de "Jurassic Park", et de la génération qu'il a marqué, dont le film se joue. Tout le côté ringard des personnages caricaturaux, et du scénario rocambolesque, c'est l'essence même de Jurassic Park et du cinéma des années 90. "Jurassic World" met en exergue une évolution de la société, autant dans ses travers que ses progrès bénéfiques. Mais en même temps on retrouve l'ambiance charmante de l'univers Jurassic. Cela donne des frissons de réentendre ce magnifique thème musical, et le voyage est presque aussi stupéfiant 22 ans après. Petit clin d'œil amusant, propre à la franchise, l'artifice de la patte d'oiseau sur un petit monticule de neige. Le trompe l'oeil est habituel à la saga, et une référence à la comparaison répétitive du Dr Grant.
Le remake joue sur l'aspect nostalgie et reste d'une grande fidélité au premier "Jurassic Park". Pour autant il est très actuel dans son propos, mais aussi dans sa réalisation. Le même monde, modernisé. C'est un coup de neuf réjouissant, surtout au départ tranquille de la ballade. Globalement les effets-spéciaux sont convaincants, surtout à côté des films précédents (qui ont mal vieilli), mais l'apothéose finale est peu lisible.
A force de cynisme, le film est très fade. Chris Pratt et Omar Sy amusent quelque peu la gallerie, mais rien de mémorable ou d’hilarant. "Jurassic World" parodie le cinéma d'aventure des années 90, le charme vintage en moins, et tombe dans les travers d'un banal blockbuster actuel.
La recette en fait un film grand public parfait. En somme "Jurassic World" fait forte impression sur le coup, mais manque finalement de mordant.