Un volcan s’étant réveillé sur l’île d’Isla Nublar où se trouvent les vestiges du parc Jurassic World, le sort des dinosaures présents sur cette île devient le centre des débats : faut-il les sauver en tant qu’êtres vivants ou bien laisser disparaître des créatures qui n’auraient jamais dû (re)voir le jour ? Selon Ian Malcolm (Jeff Goldblum), il ne faut surtout rien faire et laisser mourir ces dinosaures qui n'ont rien demandé à personne. Lockwood (James Cromwell), un vieux millionnaire britannique ancien partenaire de John Hammond, n'est pas de cet avis, et décide de sauver les dinosaures en créant un endroit spécial où ils vivraient en paix sans aucune présence humaine. Pour cela, il engage Claire Dearing (Bryce Dallas Howard) et Owen Grady (Chris Pratt), qui connaissent bien les lieux, afin de superviser le sauvetage des espèces à sauvegarder. Mais Dearing et Grady vont rapidement se rendre compte que la mission qu’ils supervisent a un autre but dont ils ignorent la teneur, et qui va une nouvelle fois les confronter à la folie de l’homme, décidément sans limites…
Cela dit, si la folie de l’homme se manifeste dans le camp des antagonistes du film, qui s’occupent de prendre la relève du personnage déjà très rudimentaire de Vincent d’Onofrio dans le 1er film – avec plus de moyens mais pas plus de neurones – en voulant transformer les dinosaures en armes de destruction massive, elle est partagée par tous les personnages du film, à commencer par Claire Dearing, dont l’envie de sauvegarde des dinosaures ne fait que s’interroger sur la santé mentale apparemment déficiente du personnage. Car en effet, si, dans le premier Jurassic World, les personnages principaux brillaient souvent par leur inconscience, le script de Colin Trevorrow et Derek Connolly les fait ici aller bien plus loin, en les privant de tout ce qui leur restait d’intelligence. C’est ainsi qu’on verra Claire Dearing nous faire du Greenpeace version dinosaures en prenant la défense de créatures que la nature a jugé bon de pousser vers la porte de sortie il y a quelques millions d’années, et dont la présence sur Terre met en danger la nôtre, ce que n’importe quelle personne dotée d’un QI autre que celui d’une huître ne peut que considérer comme la plus simple des évidences. Fort heureusement, pour le spectateur qui n’a pas encore renoncé à l’usage de son cerveau, l’excellent Ian Malcolm, potiche de luxe d’un film qui ne convoque de grands acteurs (James Cromwell, Toby Jones, Geraldine Chaplin) que pour mieux les évacuer sans les avoir rendus utiles un instant, vient remettre les pendules à l’heure dans un monologue bien troussé qui, en un tour de main, tire la seule conclusion qu’il fallait tirer d’un film un peu trop ambigu pour être honnête, tout en condamnant fermement l’intégralité des actions des personnages sur les deux heures que l’on vient de passer.
Deux heures qui, il faut bien l’avouer, sont encore une fois d’un divertissement de tous les instants grâce à la caméra affûtée de Juan Antonio Bayona qui prend la suite de Colin Trevorrow pour le mieux. En effet, son directeur de la photographie Oscar Faura nous révèle comme à son habitude l’étendue de son talent en créant bon nombre de plans iconiques, par une mise en images très astucieuse (de beaux jeux d’ombres et de reflets) des créatures spielbergiennes. En outre, la dramatisation très réussie des dinosaures permet de retrouver (en bien moins poussée, certes) une partie de la tension propre à Jurassic Park, et même si on n’a jamais vraiment peur pour des personnages que, de toute façon, on aurait plutôt envie de voir disparaître, cette tension reste très appréciable.
Malheureusement, pour honnête qu’il soit, le grand spectacle est souvent gâté par un scénario qui prend le parti de multiplier les incohérences déjà vues partout ailleurs (à commencer par le laboratoire secret le plus dangereux du monde qui en est aussi le moins surveillé) et les choix idiots de la part des personnages (lâcher un dinosaure au milieu d’une foule de trafiquants de bête au lieu de passer un simple coup de fil pour les faire arrêter, libérer un vélociraptor dans un laboratoire contenant des substances dangereuses, se cacher dans son lit pour échapper à un dinosaure, entrer dans la cage du dinosaure le plus dangereux de la planète après lui avoir envoyé deux pauvres fléchettes de tranquillisant, etc…) quand il ne se tire pas carrément une balle dans le pied en massacrant un de ses propres twists - pourtant intéressant - sur l'origine d'un de ses personnages en nous balançant la révélation en coup de vent entre deux mâchouillis de dinosaures. Dès lors, on se demande comment s’attacher à de tels personnages, quand ceux-ci ne semblent jamais être en pleine possession de leurs facultés mentales…
D’ailleurs, le carnage du scénario ne se limite pas aux seuls personnages humains, puisqu’il nous offre une nouvelle invention grotesque au travers de cet Indoraptor dont les seules limites au niveau des capacités sont celles de l’imagination débordante des scénaristes. Il faudra donc supporter de voir l’Indoraptor faire de l’escalade sur le toit d’un manoir ou une traction complète pour ne pas tomber dans le vide...
Si on préfère se focaliser sur le plan du divertissement pur, on pourra tout de même y trouver son compte, puisque de ce côté-là, même s’il n’égale pas son aîné en termes d’action, Bayona ne rate pas une occasion pour nous offrir du bon gros spectacle, d’autant plus délicieux que les effets spéciaux en sont incroyablement réussis, consacrant le mariage entre images de synthèse et animatroniques. Visuellement, Jurassic World : Fallen Kingdom est donc une valeur totalement sûre, et c’est avec un plaisir sans failles que l’on assistera à des scènes grandioses, notamment celles sur Isla Nublar, qui remplissent tous les critères que l’on attend d’un tel divertissement.
Et même si les personnages n’arrivent à se sortir des pires situations que par un enchaînement de coïncidences heureuses, on n’en tiendra cette fois pas trop rigueur aux scénaristes, bien conscient qu’ils ne font là reprendre qu’une recette inhérente au genre de l’aventure depuis belle lurette (du Comte de Monte Cristo à Indiana Jones en passant par Tintin et James Bond).
Par ses choix de photographie, de musique et de décors (un manoir somptueux) souvent heureux, Jurassic World : Fallen Kingdom arrive donc à nous faire relativiser ses nombreux défauts pour nous convaincre qu’il reste avant tout un bon divertissement, bourrin et frôlant à chaque instant le nanar, mais aussi épique et grandiose, tout en nous offrant une fin franchement osée qui, en faisant glisser l’univers de Jurassic Park de la science-fiction vers l’anticipation, nous annonce un renouvellement de la saga que l’on attend avec autant d’espoir que de crainte…
Quoiqu'il en soit, tout ça ne remplace en rien la lecture des excellents romans de Michael Crichton, qui maîtrisent mille fois mieux l'art de la tension et du discours politico-scientifique que les continuateurs de la saga qu'il a initiée.