Un vrai réalisateur reprend (presque) toujours ses droits

À la vue des chiffres colossaux de Jurassic World (plus de 1,6 milliard de dollars de recettes mondiales), on aime (tous) encore les dinosaures créés par papa Spielberg en 1993. C’est donc reparti pour un tour sur cette île proche du Costa Rica avec l’espérance que la magie dino soit enfin vraiment de retour. Un pari loin d’être impossible quand on sait que le réalisateur est cette fois-ci un homme qui a fait preuve d’un vrai talent de conteur avec trois films bien différents. Après L’Orphelinat, The Impossible et Quelques minutes après minuit, le cinéaste espagnol, JA Bayona cède totalement aux sirènes des gros studios hollywoodiens avec la ferme intention de garder sa patte artistique. En admirateur de Spielberg, il démontre dès la superbe et stressante scène d’ouverture que Jurassic Park : Fallen Kingdom a comme ambition de revenir à cette essence horrifique qui avait grandement fait pour la popularité du premier film de la saga.


Malheureusement, Bayona doit composer très vite avec un script bien loin d’être à la hauteur de son talent visuel. Au point que son film se scinde en deux parties bien distinctes au risque de laisser le spectateur se perdre en cours de route. Un spectateur qui ne pourra jamais s’appuyer sur des personnages toujours aussi insipides (sorti de ses Gardiens de la galaxie, Chris Pratt n’a rien d’une star de premier plan, Bryce Dallas Howard fait ce qu’elle peut avec le rien qu’on lui donne). Et la nouvelle galerie à découvrir dans cet épisode n’est jamais là pour rattraper la donne, bien au contraire (sidekick tête à claques pour les blagues très faciles, méchant mercenaire pour le cabotinage, serviteur qui complote et trahi son mentor, …). On sauvera tout juste un clone de John Hammond (James Cromwell en mode super spleen) et sa petite-fille au passé mystérieux exploitée malheureusement bien trop tardivement dans l’intrigue. Quant aux amoureux de Ian Malcolm (Jeff Goldblum), la bande-annonce vous a déjà montré la presque quasi intégralité de sa prestation.


Mais, il est vrai que la réussite (financière) de la saga ne s’est jamais appuyée sur ses personnages. L’important, c’est de voir du dinosaure et de ce côté-là, Jurassic Park : Fallen Kingdom répond souvent présent. Dans sa première partie en mode mission sauvetage, on risque même l’overdose de créatures tant le bestiaire de l’île est montrée sur toutes ses coutures. Cela ne donne pas forcément des scènes incroyables, mais à force de les enchaîner, Bayona et ses équipes techniques parviennent à surpasser aisément celles de Jurassic World. Tout en réussissant même à faire naître une vraie émotion au détour d’un plan magnifique montrant l’agonie d’un dinosaure pris au piège de l’île volcanique.


En s’appuyant sur un visuel irréprochable mariant avec toujours autant de maestria animatroniques et CGI, le récit nous fait presque avaler toutes ses couleuvres comme son discours écolo particulièrement faisandé ou son humour lourdingue. Le son de cloche n’est malheureusement pas le même dans une seconde partie nettement moins enthousiasmante. Paradoxalement, c’est pourtant ici que la liberté de ton de Bayona est à son apogée. Plongeant ses protagonistes au cœur d’un manoir que n’aurait pas renié la Hammer de la grande époque, le réalisateur s’amuse à recréer des moments de terreur dignes de ceux que l’on a tous eu un jour. Ou plutôt une nuit quand l’ombre dans notre chambre devenait par le pouvoir de notre imagination débordante un monstre sanguinaire. Mais, si sa mise en scène et son très beau cinémascope jouent la carte d’un cinéma gothique en exploitant à merveille les zones d’ombres, elle doit se confronter à des rebondissements prévisibles d’une immense platitude. Sur un mode qui rappelle le climax du Monde perdu, abandonné par ses comédiens qui n’ont vraiment rien à jouer si ce n’est le mode survival, Bayona fait ce qu’il peut et parvient largement à sauver les meubles, restant dans les clous d’un film divertissant toujours visuellement supérieur à son prédécesseur.


À l’image de ses plans finaux tout aussi excitants que frustrants (on a envie de voir la suite, mais on sait déjà que c’est Colin « mollasson » Trevorrow qui reprend les rennes) Jurassic park : Fallen Kingdom fait honneur à la franchise, retrouvant par moments sa magie mais sans jamais faire de l’ombre au film original. Mais qu’importe finalement tant quelque chose ne change jamais : notre fascination éternelle pour les dinosaures. Elle reprend toujours ses droits !


critique publié sur e-cinema.com

Laurent_Pécha
7
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le 6 juin 2018

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