Après le carton de « Jurassic world 1 » au box-office, l'obligation de faire une suite était de mise : telle est la règle du Hollywood d'aujourd'hui. Dinos un jour, dinos toujours !
Pour commencer, le premier opus de la nouvelle trilogie a réitéré la formule magique de Steven Spielberg avec parc d'attraction mais sans la démesure de l'effet révolutionnaire, de l'aspect cinéma pur et dur (le fait de raconter une histoire avec effets de miroirs et nouveautés artistiques) pour se cantonner au blockbuster qui peut friser le ridicule avec effets spéciaux à foison, affreuses bébêtes qui s'affrontent, le tout allié à un sens de la démesure où le spectacle donne carrément dans le spectacle sans oublier cette démesure qui s'apparente à l'effet pop-corn (ou l'effet too much) apparent.
Voilà, vous l'avez compris, chers amis spectateurs, telles sont les règles qu'Hollywood a mis en place et en avant pour cette nouvelle trilogie. Démesure, démesure, moins de magie et effets de tic et de toc garantis. Pour les frissons, repassons ! Dinos, dinos...
« Jurassic world 2 », tout d'abord, c'est un changement de réalisateur.
Cela ne pouvait pas tomber mieux car le premier opus, en dépit de clins d'yeux, d'apparitions hommages voire de références totalement assumées, le long-métrage ne pouvait vivre à lui-seul car il se consumait derrière les cicatrices de « Jurassic park ». Vraiment dommage quand on commence une nouvelle trilogie et de se brûler les ailes de Ptérodactyle si tôt qui permettent de s'envoler vers de nouveaux horizons ou de s'enliser dans les empreintes du Tyrannosaure qui viennent à peine de s'écrire. Brachiosaurement vôtre !
Et pourtant, si la version de 1993 appartient désormais au septième art, on ne peut pas en dire autant de « Jurassic world 1 » qui a le don de s'oublier une fois vu. Terriblement Trevorrow !
Le changement de réalisateur devait vraiment avoir lieu. Et pour une fois, Hollywood ne s'est pas trompé en embauchant l'ancien journaliste espagnol Juan.Antonio Bayona.
Le réalisateur J.A. Bayona s'empresse de débuter de manière la plus majestueuse : rappeler la fin de « Jurassic world 1 » tout en impulsant de l'action avec le premier combat entre dinosaures juste avant l'apparition du titre du film également ici beaucoup plus inspiré que le premier et faisant cracher la lave dont avait besoin ce début pour nous mettre en de bonnes conditions -de cinéma !
Bayona pose donc les bases de ce deuxième opus : plans d'ensemble virevoltants couplés à l'aventure.
Car, en effet, l'aventure est ici de mise (surtout avec la partie film catastrophe : le moment où l'île est soumise à sa propre destruction par le volcan qui s'est réveillé est très bien réglé) grâce à un scénario remanié par Colin Trevorrow (le réalisateur du premier opus de la nouvelle trilogie et qui se fait ici également producteur. Sauvé !) et Derek Connolly (présent pour les dernières cylindrées hollywoodiennes : la saga « Jurassic world », « Kong : skull island », « Star wars 9 ») et visant des thèmes plus profonds, universels aujourd'hui.
« Jurassic world 2 » s'ouvre ainsi sur les dinosaures qui ont conquis l'île d'Isla Nublar et qui vont bientôt disparaître.
Ceci est une allégorie de notre monde actuel où les espèces menacées le sont de plus en plus, chaque jour qui passe ...et chaque jour qui passe. Chaque semaine, chaque mois, chaque année. D'une résonance actuelle qui interpelle malheureusement pas encore assez notre société.
Même si Bryce Dallas Howard (passée chez Shyamalan dans « Le village », « La couleur des sentiments », « Au-delà » de Clint Eastwood) a toujours le charisme d'une huître, elle incarne, avec le dresseur de raptor Chris Pratt (l'acteur bankable du moment : « Les gardiens de la galaxie, « Avengers », « Thor »...), toujours aussi incompatible en tant que héros (et qui nous ressert ses mêmes mimiques) et ayant lui le charisme d'une moule, le Greenpeace pour les dinosaures en voie de disparition. Belle cause. Perdue, certes, mais belle cause que de vouloir à tout prix protéger ces espèces en voie de disparition.
Duo ainsi anti-charismatique au possible ce qui dessert très bien leur cause. Une volonté du réalisateur ? A n'en pas douter, soyons en certain.
Notons au passage la présence remarquée du toujours impeccable Jeff Goldblum (la vedette des 80-90's qu'on ne présente plus : « L'étoffe des héros », « La mouche », « Independance day », « The grand Budapest hotel »...) qui dessert à merveille le propos moralisateur de « Jurassic world 2 ». Et exit Omar Sy qui n'avait rien apporté à « Jurassic world », le premier du nom.
Et qui dit espèces menacées, dit braconnage, sinistrement.
Oui, « Jurassic world 2 », dixit Bayona, possède cette lecture actuelle du sens de la vie sur Terre, ce pourquoi John Hammond se battait pour pouvoir faire vivre d'autres espèces sur Terre.
Le chef de fil des braconniers qui est chargé de récupérer les dinosaures vouées à disparaître est ici incarné par Ted Levine (l'inoubliable tueur en série du « Silence des agneaux », c'est lui !), véritable mercenaire qui arrache les dents de dinosaures en guise de récompense personnelle. Une belle gueule qui va s'en prendre plein la gueule : délectable au possible. Cool !
Et si John Hammond n'était pas mort, son vieil ami, véritable porteur du projet de délocaliser ces espèces menacées sur une autre île, se fait le financeur du projet de réintroduction des dinos : James Cromwell (second couteau des 90's-2000's : « Babe, le cochon devenu berger », « L.A. confidential », « La ligne verte », « I robot »...), dans la peau de construire ce projet et de sauver les dinosaures voués à leur perte, incarne la protection de la nature à l'état pur. Très belle interprétation de sa part. J'adhère toujours autant à son jeu. Comment ne pas être raccord ? En tout cas, j'approuve à 200%. Un charisme à toute épreuve digne des plus grands seconds couteaux des 90's. Dinosauresquement vôtre, Monsieur Cromwell.
Mais c'est sans compter sur le non moins scrupuleux homme de main de Cromwell : Rafe Spall (qui partage l'affiche avec Edgar Wright sur « Shaun of the dead », Russell Crowe sur « Une grande année », ...), davantage penché sur le commerce illégal des animaux, de la valeur intrinsèque de l'armure des dinosaures et de leur génome.
Avec également Geraldine Chaplin (« Docteur Jivago », « Les uns et les autres » de Lelouch, « Parle avec elle » d'Almodovar, « Valentin, Valentin » de Pascal Thomas...), délicieusement raffinée, l'inéluctable B.D. Wong (il a joué avec Brando dans « Premiers pas dans la mafia » et même Brad Pitt dans « 7 ans au Tibet » !), et le vicieusement incorrect vendeur aux enchères Toby Jones (Luc Besson, Marc Forster, Frank Darabont, Sam Mendes... sont autant de réalisateurs qui l'ont fait tourner) qui excelle en nabot vendeur de dinosaures.
Même si la première partie est davantage tourné sur l'aventure, le réalisateur détenteur par deux fois du Goya du meilleur réalisateur (pour « The impossible » et « Quelques minutes après minuit ») prend le temps de bien exhumer les cicatrices de « Jurassic park » en les refermant.
Bayona prend un symbole fort, le brachiosaure, et ose nous le montrer mourir sous le joug du volcan, en un plan splendide et forcément inoubliable, pour prendre le contre-pied en seconde partie avec cette vente aux enchères et la présentation de la nouvelle arme raptorienne du futur qui, forcément, échappe au contrôle humain.
Donc, bien au-delà de l'amorce spielberguienne du premier opus, le metteur en scène de l'angoissant « Orphelinat » prend le temps d'inscrire une certaine noirceur au récit (d'autant que l'on bascule dans la nuit !) sous couvert d'un sujet étonnamment actuel : le commerce de produits dérivés d'espèces menacées et protégées (je pense bien sûr à l'ivoire des éléphants, des rhinocéros...). Et étonnamment, le tout, sur un rythme soutenu qui prend le temps de nous emmener (faire le tour du manoir anglais !: et d'appuyer ainsi ce sentiment de noirceur) mais aussi de nous faire réfléchir sur la place dans notre monde.
Bayona pose ainsi les jalons d'un monde nouveau. Sous le ton de la noirceur. Un moment formidable et terrifiant. En découle une belle mise en scène et une belle mise en avant de ces sujets mis sur le banc par nos gouvernements actuels.
Bayona = le défenseur de l'écologie moderne ? Dans tous les cas, ne nous abstenons pas !
Grâce à ces nouveaux sujets, le metteur en scène du raz de marée « Impossible » fait en sorte de mixer le cinéma d'hier (hommage spielberguien, Jeff Goldblum, James Cromwell, Geraldine Chaplin...) et d'aujourd'hui (réflexion sur l'écologie moderne, arme du futur grâce aux découvertes paléontologiques d'hier) pour fabriquer son « Jurassic world 2 » sur des bases solides et ainsi nous emmener sur des chemins non empruntés, et c'est brillamment réussi.
Bravo au réalisateur Juan Antonio Bayona de nous prouver sa maîtrise de sa mise en scène et de nous raconter aussi brillamment une histoire réfléchie digne d'un bon blockbuster !
Sur l'ambiance, notons que la musique de Michael Giacchino, pour changer, est très passable (on lui doit « Mission impossible 3 », « La planète des singes 2 » de 2014, et dernièrement, « The batman ») alors que niveau effets spéciaux -de David Vickery (responsable des effets numériques, il a travaillé sur « Mission impossible, rogue nation »), Neal Scanlan (ici responsable création des monstres, il a « Star wars 7, 8 » à son actif), Guy Bradley (« Fast and furious 6 », « Ready player one » de Spielberg), Andy Nicholson (« Gravity »), Jason Knox-Johnston (« Inception », « Skyfall », « Star wars 8 ») et Matt Wynne (« Seul sur Mars », « Star wars 8 »)-, le volcan et les coulées de lave ne sont pas si mal foutus tandis que les dinosaures en cgi et les animés réels sont mordant de réalisme, tout autant que la photographie d'Oscar Faura (chef opérateur fétiche du réalisateur natif de Barcelone) est très expressive et, alliée à ces effets spéciaux, miroite de toutes les couleurs pour donner dans le sentimentalisme ou l'effroi pur, surtout dans le manoir anglais et le combat final, très bien armé.
Pour conclure, « Jurassic World : Fallen Kingdom »(2018), divertissement fort honorable fait de bruit et de fureur, est ce blockbuster d'été réfléchi ambiancé par le metteur en scène du conte fantastique « Quelques minutes après minuit ».
Ou quand le spécialiste espagnol du réalisme émotionnel nous fait vivre une aventure hors du commun mâtinée des codes conventionnels du cinéma catastrophe.
Longue vie aux dinos !
Spectateurs anglais, partez à la nouvelle Ruée vers l'Or en compagnie de vélociraptors !
Accord parental souhaitable.
A noter : « Jurassic World : Le Monde d'après », troisième volet de cette nouvelle saga, vu au ciné à sa sortie, déconstruit totalement le socle de ce deuxième opus et se fait donc la bouse de 2022 (pour d'autres raisons, également) et notamment par la participation du casting original convoqué par Spielberg en 1993, à savoir Sam Neill et Laura Dern. Troisième opus à éviter.
PS : je suis allé voir au cinéma « The Fabelmans » dimanche après-midi, et j'ai trouvé captivant la route qu'a suivi le jeune Steven Spielberg, de sa rencontre avec le cinéma (« Sous le plus grand chapiteau du monde » de DeMille) jusqu'à son entrevue avec l'une des plus grandes personnalités du cinéma. Entre le début et la fin -mythique !-, pendant deux heures trente, par delà la déclaration d'amour au cinéma qu'il délivre en compagnie de sa fidèle équipe technique (Kahn, Kaminski, Williams, Tony Kushner...) Spielberg livre une autobiographie de son adolescence et nous donne les clés pour comprendre les films intimes qui ont jalonné sa carrière (« Duel », « E.T. », « Rencontres du troisième type », la saga Indiana Jones, « Hook », « Jurassic park », « Intelligence artificielle », « L'empire du soleil », et tant d'autres !). Un très beau film parachevé par la signature Spielberg.