CRITIQUE SANS SPOILERS !
- Écoutez il y a une chose que l’histoire de l’évolution nous a apprise, c’est que la vie ne peut pas être contenue, la vie prend le large, elle conquiert de nouveaux territoires, elle renverse toutes les barrières, c’est parfois pénible, parfois dangereux… mais heum… enfin c’est comme ça.
- Vous insinuez qu’un groupe composé exclusivement d’animaux femelles peut se… reproduire ?
- Non, non, non je dis simplement que la vie trouve… heum… toujours un chemin.
JURASSIC WORLD: LE MONDE D'APRÈS, de Colin Trevorrow, en tant que troisième film d'une trilogie ayant pour but de faire suite à la saga originale débutée des années plus tôt sous la réalisation de Steven Spielberg, est une conclusion à l'image des deux long-métrages précédent : « bancale » !
Le récit reprend quatre ans après la destruction de Isla Nublar, avec la libération d'une poignée de dinosaures qui se sont greffé au reste de l’humanité entière pour proliférer et ainsi venir bousculer l'équilibre des espèces qui aujourd'hui se retrouve devant un dilemme : " composer ensemble pour vivre dans un nouvel équilibre, ou bien s'autodetruire pour la suprématie et la domination d'une espèce ". Une véritable évolution dans la direction du récit, qui ose bouleverser la vision initiale en brisant les clôtures électriques et les murailles pour se tourner vers le monde entier, apportant une continuité logique aux questionnements posés durant le film original par Alan Grant : « Le monde change si rapidement que nous courrons tous pour le rattraper. Je ne voudrais pas tirer de conclusions hâtives, mais… le Dinosaure et l’Homme, deux espèces séparées par 65 millions d’années d’évolution, viennent tout à coup de se retrouver face à face. Comment serait-il possible d’avoir la plus petite idée de ce qui va se passer ? ». La vie trouve-t-elle toujours son chemin ? C'est ce à quoi va tenter de répondre très maladroitement cette œuvre.
Dinosaur King Battle, pro transgénèse, GPA, marchandage du corps et références nostalgiques chargées, accrochez-vous et bienvenue à Jurassic World 3 !
LE MONDE D'APRÈS est une macédoine d'idées tournées autour d'une intrigue principale qui tente de mélanger tant de choses que cela en devient bancal et superflu, prenant un parti moralisateur sur le prisme pro génétique venant surpasser la vie elle-même : la transgénèse. Les exploits de la biologie génétique offrent à l'être humain des capacités divines en venant infléchir sur son anatomie par les manipulations, le clonage, les diagnostics prénatales... Et si jusqu'à présent une moralisation sous forme d'avertissement symbolisée par " Icare qui en volant trop près du soleil se brûla les ailes ", venait contraster cette approche par le biais d'une réflexion véhiculée depuis le film original par Ian Malcolm : « Le pouvoir génétique est la force la plus terrible que la planète ait connu, mais vous la maniez comme un enfant qui a trouvé le flingue de son père ! », ici le récit vient en faire une étrange apologie. Une confrontation entre la vision éthique conservatrice moralisatrice autour de la science naturelle du vivant ; et l'expérimentation extrême des généticiens tous disposé à s'aventurer toujours plus loin vers des expérimentations déraisonnables au nom de l'évolution. Une confrontation métaphysique à laquelle le film va répondre en associant les deux visions pour créer un nouveau cheminement autour d'une nouvelle bio-éthique libertaire très douteuse. En gros la transgénèse, la GPA, le marchandage du corps... c'est mal si vous avez des mauvaises intentions, mais c'est très bien si vos intentions sont bonnes.
La vie trouve-t-elle toujours son chemin ? Réponse : Si l'homme la transcende en se prenant pour Dieu mais toutes proportions gardées : « OUI » ! Une conclusion troublante qui montre bien l'évolution du cheminement humain à travers les années. D'une question savamment portée en 1993 par le film original " Jurassic Park " de Steven Spielberg, autour d'une critique intelligemment imposée à travers l'être humain qui se prend pour Dieu et qui depuis le départ se devait simplement de laisser la vie suivre son cours ; on en arrive aujourd'hui avec "Jurassic World " à en vendre les mérites, certes autour d'une certaine éthique moralisatrice mais elle pèse pas bien lourd. L'union sacrée du cycle de la vie au génie scientifique humain qui se doit de la faire évoluer avec intelligence et bienveillance : " elle est pas belle la vie ! " En ressort un cheminement narratif désorganisé dans lequel on nous a expliqué que le croisement génétique ce n'est pas bien pour faire des armes mais sinon c'est très bien pour le reste.
« " Sois gentil pas méchant c'est pas gentil d'être méchant " ».
Maintenant que le fond est traité, revenons à la forme !
LE MONDE D'APRÈS est un film découpé en deux parties avec une première articulée autour de l'ensemble de nos héros désunis qui vont suivre des objectifs différents, et une seconde durant laquelle ils seront enfin tous réunis. Une union sacrée attendue entre les personnages mythiques de la saga originale portée par Alan Grant (Sam Neill), Ian Malcolm (Jeff Goldblum) et Ellie Satler (Laura Dern), à ceux de la nouvelle génération avec Owen Grady (Chris Pratt), Claire Dearing (Bryce Dallas Howard) et Maisie Lockwood (Isabella Sermon), qui fait bien plaisir. Seulement, aussi surprenant que cela puisse paraître, la première partie est bien plus dynamique, fluide, logique et divertissante que la seconde, qui passer la joie des retrouvailles a bien du mal à gérer autant de personnages devant la caméra. S'ensuit des péripéties désordonnées dans lesquelles les protagonistes sont collés les uns aux autres sans avoir réellement de grande utilité, cherchant tous une utilité pour exister. De plus, à aucun moment on ne sent les personnages réellement en danger, tant ils sont des figures intouchables. J'espère que vous aimez les références nostalgiques, car vous allez être servis. Si quelques clin d'œil à la première trilogie sont tout du long disponible, la seconde partie calque la quasi-totalité de ses intrigues et de ses actions sur le support original. Si bien qu'on se doute du résultat de certaines actions avec par exemple la résultante autour du sort de l'antagoniste humain principal. Retrouver l'ensemble des personnages originaux pour leur faire vivre des actions qu'on a déjà vues mais en moins bien, c'est pas terrible.
Niveau action préparez-vous à du très bon, et du moins bon.
- Le très bon : " course-poursuite endiablée lancée à toute vitesse dans des ruelles étroites, confrontation explosive dans les airs, affrontement mouvementé entre des agents spéciaux et des criminels se servant de dinosaures comme armes, intense duel glacial aquatique contre un dino à plume particulièrement affamée..." En gros, toute la première partie du long-métrage.
- Le moins bon : " du Dinosaur King Battle dans la plus pure gratuité qui ne sert nullement le récit, des actions bis calquées sur ce qui fut déjà fait, où encore une confrontation finale hideuse entre des supers-prédateurs sorties de nulle part dont on se fout royalement ".
Côté réalisation le résultat est très mitigé. D'une séquence à l'autre on passe d'images soignées à des plans qui sentent les images de synthèse à plein nez. Une mise en scène capable du meilleur avec une caméra savamment introduite durant certaines phases d'action comme durant la confrontation aérienne, ou encore la fameuse course-poursuite à vive allure, offrant un cadre frénétique idéalement retransmis par son atmosphère technique. Une mise en scène également capable du pire avec des plans atroces sur des actions grossièrement articulées, comme lors du duel final décidément affreux avec une cinématographie proche d'un résultat PS4. La composition musicale du compositeur Michael Giacchino, propose une partition agréable qui vient régulièrement taquiner la musique originale du film par un remix qui à défaut de marquer les esprits, offre un instant appréciable.
Côté personnages, on ne va pas se mentir retrouver l'équipe initiale de nouveau unis, ça fait quelque chose à mon petit cœur de fan. Malgré tout passer la bonne surprise, qu'est-ce que ça apporte de nouveau ? Et bien à quelques nuances près rien de neuf, que du vieux. Alan Grant par Sam Neill est toujours fidèle à son poste, exactement là où on l'avait laissé. Ellie Satler par Laura Dern est toujours autant fougueuse et passionnée par ce qu'elle entreprend. Enfin Ian Malcolm par Jeff Goldblum (mon personnage favori), sert de comique d'usage plus ou moins fidèle à ce qu'il fut mais avec un côté plus dingo. À croire que la vieillesse ne l'a pas beaucoup aidé. Pour la nouvelle génération, on retrouve Owen Grady par Chris Pratt, qui avec Claire Dearing par Bryce Dallas Howard, font office de parents adoptifs pour Maisie Lockwood par Isabella Sermon. Un trio qui à défaut d'offrir un peu de nouveautés viendra nourrir une tension dramatique satisfaisante. Par contre, très étonné de la virevolte scénaristique autour du duo : " Grady-Blue ", la vélociraptor domptée. On retrouve notre compatriote Omar Sy, en tant que Barry Sembène, dans un rôle bien plus utile et consistant, malgré sa courte apparition, que celui dont il fut affublé dans Jurassic World premier du nom. Justice Smith en tant que Franklin Webb est toujours aussi transparent. Des nouveaux personnages avec la comédienne DeWanda Wise pour Kayla Watts, une aventurière sympathique, ainsi que Mamoudou Athie pour Ramsay Cole, protagoniste dont on aurait pu se passer. Les antagonistes humains sont à l'image des super-prédateurs de ce film : " ridicule ! " Que ce soit Scott Haze, Dichen Lachman, ou encore Campbell Scott : dont on devine dès les premières images que c'est un pourri. Il n'y en a pas un pour rattraper l'autre. Le sommet de la caricature ! Par contre qu'est-ce qui s'est passé avec le Dr. Wu par B. D. Wong, qui tout du long de la trilogie nous aura fait une belle chaise musicale.
CONCLUSION :
JURASSIC WORLD: LE MONDE D'APRÈS, de Colin Trevorrow en tant que troisième et dernier volet de la franchise Jurassic World, s'achève comme elle avait commencé avec un gros point d'interrogation sur l'utilité de cette nouvelle trilogie. Trois films qui auront clairement fait évoluer le récit principal à coup de références nostalgiques chargées mais pour offrir un cheminement désorganisé venant d'abord caresser dans le sens du poil la vision de Steven Spielberg pour finalement mieux la corrompre. Ne restera de ce film qu'un simple blockbuster familial à grand spectacle dans sa plus simple conception.
« Tout était déjà dit » :
Vision de Spielberg :
- Dieu crée les dinosaures. Dieu détruit les dinosaures. Dieu crée l'homme. L'homme détruit Dieu. L'homme crée les dinosaures.
Vision du studio (appuyé des lobbies transgénèse, GPA, marchandage du corps...) :
- Les dinosaures mangent l'homme. Et la femme hérite de la Terre.
"LE STUDIO A DÉPENSÉ SANS COMPTER"