Et voilà que débarque en salle le dernier film de Clint Eastwood dans, semble-t-il, l'indifférence générale ... très bien distribué en France, alors qu'aux Etats-Unis ce n'est malheureusement pas trop le cas. Nous petits français, on pourra donc le découvrir en salle. Et tant mieux, car ce serait dommage de le louper, tellement ce film Juré n°2 est un véritable coup de maitre. Certains imaginent même que ça pourrait être son dernier film, mais rien n'est moins sûr avec ce bon vieux Clint (94 ans quand même). A l'image de Douze Hommes en colère de Sidney Lumet, Juré n°2 est à la fois un film de procès et un huis clos et surtout, il ne souffre nullement de la comparaison avec ce qui est généralement considéré comme la référence du genre. En tout cas, si Monsieur Eastwood termine sa carrière là-dessus, il aura sacrément bien réussi sa sortie.
Justin Kemp (Nicholas Hoult) est convoqué pour être juré dans une affaire criminelle et comme le dévoile le titre du film, il sera le juré n°2. Très vite, on comprend qu'il n'a pas très envie, car sa femme Allison Crewson (Zoey Deutch) attend un heureux évènement. L'affaire semble simple à résoudre de prime abord, puisque le coupable est tout désigné. Ce serait un cas de féminicide commis par un jeune gars (Gabriel Basso) sur sa copine interprétée par la propre fille de Clint Estwood (Francesca Eastwood). Le gars en question a un passé sombre et tout semble le désigner comme coupable des faits qui lui sont reprochés. De ce fait, tous les jurés semblent se mettre d'accord sur l'issu du verdict, à l'exception de notre juré n°2 qui a un doute. Ce doute s'explique par un dilemme personnel et moral, mais je m'arrête là pour ne pas trop en dire. Bon, en même temps l'explication arrive très vite, dans les quinze premières minutes, et c'est l'élément qui constitue tout l'intérêt de ce récit ...
Juré n°2 est un film assez classique sur la forme, mais qui brille sur le fond. Clint Eastwood ne s'est pas trompé en choisissant ce scénario, c'est un petit bijou du genre. Le film reprend donc le synopsis de Douze Hommes en colère, avec un des douze jurés qui doute et qui, petit à petit, va retourner la situation. Mais la comparaison s'arrête là, car ici le juré n°2 n'a rien à voir avec le personnage interprété par Henry Fonda dans le film de Sidney Lumet. Nicholas Hoult interprète ici un personnage plus ambiguë que dans Douze homme en colère. C'est un gars qui s'apprête à être papa et qui veut être un bon père de famille et un bon époux, mais qui possède lui aussi un passé ténébreux, comme l'accusé en fait. En effet, c'est un ancien alcoolique, mais est-il réellement guéri ? Rien n'est moins sûr et le doute est permis, j'ai envie de dire ! La question du doute est donc le thème central du film.
Et c'est là qu'un autre thème fait irruption dans le récit du film, celui du droit à une seconde chance. Il ne faut pas juger les personnes sur un ressenti, une impression ou sur des erreurs passées. Un ancien alcoolique a le droit à une seconde chance, tout comme l'accusé qui possède sur le cou un tatouage marquant l'appartenance à un gang. Et en plus, le fait qu'il soit assez rustre avec sa copine en fait le coupable idéal. Et pourtant, son apparence physique, son langage et son comportement bestial ne font pas de lui le coupable. Alors oui c'est un gros goujat, mais ça n'en fait pas obligatoirement le tueur de sa copine. Et puis, vous avez la procureure (Toni Collette ) qui veut absolument faire condamner l'accusé, pour assouvir des ambitions politiques et personnelles.
Le film est d'une grande efficacité, le scénario de Jonathan Abrams est très malin et c'est parfaitement exécuté par Clint Eastwood. Et si le film est aussi passionnant, c'est parce que le personnage du juré n°2 cache un terrible secret ...
C'est probablement lui qui a tué la copine de l'accusé, par accident. Alors qu'il revenait du bar, sous la pluie et dans la nuit, il l'aurait renversé. Il pensait avoir percuté un cerf, mais non, tout porte à croire que c'était la femme de l'accusé. Il n'était pas ivre ce soir là, il n'avait même pas touché à son verre d'alcool, mais qui va croire un ancien alcoolique ? Il se retrouve donc coupable pour la justice, mais pas forcément 100% responsable. A contrario, l'accusé est innocent pour la justice, mais il est coupable d'avoir négligé sa femme, de l'avoir laissée rentrer seule en talons aiguilles, sous la pluie et dans la nuit.
Que ce soit en tant qu'acteur ou réalisateur, Clint Eastwood est un immense cinéaste et à 94 ans il arrive encore à nous surprendre. Juré n°2 est probablement l'un de ses meilleurs films et son meilleur depuis longtemps ... depuis Gran Torino (2008), en fait ! Tout est abouti dans ce film, sans la moindre faute de goût. C'est prenant, intelligent, riche en thématiques et le final est juste parfait.