Le film dépeint une justice qui semble avoir besoin de désigner un coupable à tout prix. On pourrait penser que l'innocence doit prévaloir jusqu'à preuve de culpabilité, mais Clint Eastwood semble ici interroger cette présomption d'innocence, privilégiant une vision plus tranchante, où le glaive semble peser davantage que la balance. Les personnages incarnent différents rapports à la justice : certains la voient comme un moyen de vengeance, d'autres comme un acte civique ou un rite de deuil ; certains cherchent à prouver leur valeur, parfois par ambition personnelle, ou simplement parce qu'ils croient en son pouvoir. D'autres encore, à l’inverse, agissent pour échapper à leurs propres problèmes.
Eastwood explore aussi la nuance entre responsabilité et culpabilité, suggérant que l'on peut être coupable sans pour autant être réellement responsable, ou responsable sans être formellement coupable. Au final, chacun peut interpréter cette vision différemment. Mon interrogation ne porte donc pas tant sur la critique de Clint Eastwood que sur ses choix.
1.Le film révèle l’intrigue trop tôt, ce qui réduit l'engagement dans le procès. Cette anticipation empêche le spectateur de se laisser captiver le procès. De plus, en dévoilant les enjeux dès le début, le film se retrouve à tourner en rond, manquant de développement ou de surprises qui pourraient dynamiser le récit.
2.Sachant l'intrigue dès le début, les incohérences deviennent visibles très rapidement. Par exemple, il semble étrange que personne ne se soit questionné sur la route empruntée, qui est pourtant fréquentée, et qui pourrait facilement impliquer d'autres suspects potentiels. J’ai même cru, à un moment, que la procureure avait orchestré l’affaire mais il s’avère que le film ne prend pas cette direction.
3. Les dialogues manquent parfois de subtilité et frôlent le manichéisme, rappelant par moments un style presque "Disney". Par exemple, une scène où un personnage âgé avoue avoir menti au procès juste pour se sentir "utile" donne un sentiment de naïveté maladroite, trop appuyée pour être crédible. Ce type de réplique rend certains personnages stéréotypés et unidimensionnels, manquant de complexité ou de nuances. Eastwood semble opter pour des raccourcis émotionnels.
L'histoire et le jeu des acteurs sont solides, et on sent une volonté de Clint Eastwood de livrer un propos fort sur la justice et la morale. Cependant, la mise en scène semble trop cadrée, comme enfermée dans des "boîtes" prédéfinies, pour soutenir son message de façon très directe. Cette structuration rigide du récit pourrait résulter d'un désir de guider l'interprétation du spectateur, mais elle limite l'évolution naturelle des personnages et de l'intrigue. En fin de compte, cette approche réduit la profondeur émotionnelle et narrative, et le film perd en spontanéité, restant parfois figé dans une vision un peu trop contrôlée et évidente.