Contrairement à ce que laisseraient supposer les premiers plans du film, ainsi que l'affiche qui s'y réfère, Jusqu'à la garde n'est pas le récit d'un combat équilibré, c'est au contraire celui d'un bras de fer asymétrique.
Asymétrie entre d'un côté une mère, ses deux enfants, sa sœur, ses parents, bref une tribu soudée dans l'adversité et de l'autre côté, un père uniquement épaulé par son avocate et déterminé à obtenir la garde partielle de son fils. Asymétrie entre deux corps : celui de la femme, mince, fragile en apparence et celui de l'homme, massif, animal, puissant. Asymétrie enfin entre deux volontés : celle de tourner la page, d'aspirer à l'indépendance, de fuir le passé d'un côté et de l'autre celui de recoller les morceaux déchiquetés d'un amour sans retour, maintenir en vie coute que coute une histoire dont il ne reste de toute évidence que cendres et ruines.
Et en même temps, force et faiblesse ne sont pas réparties entre ces personnages aussi simplement qu’on imaginerait. Car Antoine Besson, aussi monolithique et sombre soit-il, s’inscrit dans un récit réaliste, où les personnages sont psychologiquement plus nuancés que dans la fiction pure. Il n’est par exemple, ni le révérend père fouettard/revanchard/sadique du western thriller Brimstone, ni le démentiel Jack Torrance de Shining, auquel il a été comparé.
Car ce gros bébé au visage patibulaire (mais presque) est aussi faible psychologiquement qu’il est fort physiquement. En témoignent ces scènes où l’on découvre le bonhomme littéralement dépassé par le sentiment de jalousie qui l’envahit. Il en perd sa lucidité dans des moments de violence incontrôlables et s’effondre en larmes comme un gosse de 6 ans. Reste à déterminer s’il s’agit des effets d’une immaturité, d’un égo surdimensionné ou d’une tendance à la manipulation…ou des trois mon capitaine ! Toujours est-il que c’est un colosse au cœur d’argile, contrairement à sa femme Marianne et leur fils Julien, qui tout en étant littéralement enferrés (jusqu'à la garde) dans un piège qui semble inextricable mais tentent résolument de s'en sortir. Malgré la terreur que leur inspire cet ogre digne d'un conte de fée, ils font preuve de résistance, de résilience et surtout de sang-froid quand il s’agit de ne pas énerver la « bête ».
De ce point de vue, lorsqu'il s'attache à ces trois protagonistes, le film est plutôt bien réalisé : caméra au plus près de l’action, cadrages recherchés et rythme permettant de bien saisir les sentiments des personnages.
En revanche, le film se distend lorsqu'il s'intéresse à Joséphine, la fille du couple. Non pas que ce personnage ne soit pas intéressant, mais il n’interagit jamais avec la figure du père. Et par conséquent, plusieurs scènes comme celles des amourettes, du test de grossesse, ou du rangement de la salle des fêtes donnent l'impression de s'éloigner des enjeux principaux du film – et desservent ce dernier tant du point de vue de l’intensité que du rythme. Dommage.
Le film n’en reste pas moins très efficace dans sa dénonciation d’une violence conjugale qui, faut-il le rappeler, ôte la vie à plus d’une centaine de femmes en France tous les ans...en ce XXIème siècle.
Scénario/histoire : 6/10
Personnages/interprétation : 7/10
Réalisation/mise en scène : 7/10
7/10