Wim Wenders tourne avec "Jusqu'au bout du monde" son oeuvre la plus ambitieuse de sa carrière. Une poursuite internationale dont l'histoire le mènera sur tous les continents de la planète, à l'exception de l'Afrique qui dut être annulé pour des questions budgetaires. Ce projet c'est l'ultime film de sa thématique de l'errance, qui jalonne toute sa filmographie. Qu'y a-t-il de plus à faire après avoir fait le tour du monde ? Le premier montage bout à bout atteignait la durée de 8 heures, que le réalisateur dut à contre cœur réduire à 3 pour son exploitation en Europe et 2h40 pour les USA. Plus tard Wenders remonta le film en une trilogie de 3x 1h30 pour la télévision et enfin une version director's cut de 4h50 en Blu-Ray.
Si le film commence tel un film noir mélangeant braquage, espionnage et romance dans sa première partie, le thème de l'image va vite arriver dans le film. Nous sommes au début des années 90, internet est encore balbutiant, tout comme le téléphone portable qui est encore au stade expérimental. Wenders s'interroge sur la place qu'aura l'image et la communication dans le futur ? Un projet monumental que le réalisateur traine depuis 14 ans et qu'il est temps de faire alors que la révolution technologique des télécommunications est sur le point de voir le jour. A peine 10 ans plus tard, cette révolution aura eu lieu et le film n'aurait plus pu se faire. Rétrospectivement le film est devenu un intéressant regard sur la vision que l'on avait du futur dans les années 80. Les utopies (rendre la vue aux aveugles), les prémonitions (les appels en visio) et les évolutions que l'on a pas vu venir (la disparition des cabines publiques, le téléphone portable ou internet). Mais c'est surtout la dernière partie du film qui reste encore aujourd'hui la plus fascinante. Celle où l'homme se confronte à ses propres rêves pour s'y perdre. La vision de Claire et Sam accrocs à leurs lecteurs vidéo portatifs résonne avec les jeunes d'aujourd'hui qui ne quittent jamais leurs smartphones des yeux. Le cauchemar de Wenders semble avoir vu le jour.
A noté l'exceptionnelle bande originale du film (qui s'est bien mieux vendue que le film) regroupe une brochette des meilleurs artistes des années 90 (U2, REM, Depeche Mode, Talking Heads, etc...), qui enregistrèrent tous des morceaux inédits pour le film.