Jusqu'au bout du rêve par Northevil
Je ressors vraiment déçu de ce film, bien trop inégal. Dès les premières images, avec ce procédé à base de photos et vidéos « d’archives » qui défilent accompagnées de la voix off de Ray qui racontent ses 36 premières années en à peine 2-3 minutes, on sent un mélodrame assez lourd qui se profile, ce qui sera conforté par la suite.
Pourtant il y a dans la première partie du film quelques très belles scènes et des moments ou répliques qui m’ont fait beaucoup rire. En fait c’est surtout cette première partie qui présente de vraies qualités, notamment dans la critique d’une certaine société américaine trop coincée et manquant d’ouverture d’esprit. Cette critique apparait très bien dans deux belles scènes : la première, très courte, dans le magasin où lorsque un ami de Ray lui parle de la voix qu’il aurait entendu dans son champ, on sent les regards tout de suite très inamicaux des autres clients, ne voulant surtout pas entendre parler de quoi que ce soit d’un peu étrange ; la seconde scène est celle de la réunion des parents d’élèves lorsqu’Annie va remettre bien à sa place une mère qui voudrait interdire des livres sous prétexte qu’ils sont un peu trop ouverts d’esprits. Il y a là un message intéressant, une volonté de dire quelque chose d’intéressant, malheureusement ça s’arrête là.
Une fois passées ces scènes et répliques bien senties, on tombe dans une histoire à la fois bien trop classique et bien trop farfelue.
Le propos du film déjà. C’est pour commencer un mauvais choix de sujet car on sait dès le début que ça ne sera qu’une célébration de ce sport teeeeellement génial et solidaire qu’est le base-ball. Tout au long du film, c’est toujours ce sport qui rassemblera chacun des personnages. Une belle ironie parce que ce sport qui « est resté le même tandis que l’Amérique a tant changé » est représenté sous la forme d’une équipe qui a perdu volontairement pour de l’argent (même si ce ne fut pas le cas d’un des joueurs, qui a tout fait pour gagner mais a quand même pris l’argent), si ce n’est pas de l’esprit sportif ça. Alors du coup pour le côté sportif ça n’envoie pas une image terrible quand on y réfléchit.
Ensuite nous avons le fantastique. C’est seulement un moyen de faire croire que c’est un film original, seulement on arrive au même point, le base-ball c’est un sport génial ! ça permet de réunir un fils et son père alors que c’est ce même sport qui les avait éloignés en premier lieu. Parce que sinon le côté fantastique n’a pas vraiment d’intérêt, si ce n’est de faire revivre le temps d’un match (ou d’un auto-stop et une petite consultation médicale) les joueurs, ou de nous renvoyer tout d’un coup dans une autre époque histoire de discuter 10 minutes avec un mec mort il y a plus de 15 ans et puis revenir aussi simplement à son époque sans explication, et puis basta.
L’ensemble du film est tout à fait irréaliste (même si l’on tient compte que c’est un film fantastique) : certaines personnes voient les joueurs d’autres non, et puis tout d’un coup elles les voient. Le propre frère d’Annie ne cherche pas un instant à aider sa sœur et va jusqu’à racheter l’hypothèque à la banque pour obliger son beau-frère à vendre. La base même de l’histoire n’est vraiment pas bien travaillée, pour finalement montrer un fils qui se réconcilie avec son père on a une voix qui indique à l’homme quoi faire à chaque étape, des surimpressions horribles sur le champ pour lui montrer où construire son terrain. 20 minutes à peine sont passées depuis le début du film et on a déjà un terrain parfait construit en plein milieu du champ de maïs, et alors que Ray avait un crédit à rembourser, ça fait une épargne bien fournie quand même !! Et puis la trame narrative du héros qui doit à tout prix trouver un moyen de ne pas se faire saisir sa propriété, c’est du revu, non ?
Et en plus comme si ça ne suffisait pas, la mise en scène est au même niveau que l’histoire et le propos. Elle n’offre aucune originalité, les procédés sont malheureusement bien trop appuyés, c’est lourdaud (cf. la scène finale avec le ciel et le soleil couchant en arrière plan sans aucun piquant artistique qui rehausserait ce paysage, qui pourrait être si beau à l’écran), on ne sent rien de personnel dans cette mise en scène, aucun point de vue personnel qui tendrait peut-être à nous offrir quelque chose visuellement. C’est quand même dingue qu’une bonne partie de l’histoire se passe dans un champ et que l’on ne nous fasse rien ressentir avec ces potentiels superbes paysages pas du tout mis en valeur, c’est franchement dommage. Il n’y a aucune subtilité, c’est vraiment un des gros points noirs du film, même dans les scènes intéressantes dont je parlais, tout est surligné à mort. Un très bon exemple avec la référence pas subtile pour un sou au film Harvey avec Jimmy Stewart (pour ceux qui ne le connaissent pas le héros voit un lapin géant que personne d’autre ne voit) juste après que Ray entende les voix qu’il est le seul à entendre. A ce propos fait assez marrant (ou pas), ces deux films font partie du top 10 fantastique de l’AFI.
Bref, ma déception est d’autant plus grande que le film offrait certaines promesses qui n’étaient que des promesses. Ce film aurait pu s’éloigner du mélodrame attendu, surligné et d’un chemin tout tracé qu’il n’a pas finalement su quitter. Il est resté dans les clous, je suis resté sur ma faim.