- Ce qui vous tourmente, c'est le Lamia.
- Elle a dit ce nom !
- Le Bouc noir. L'émissaire des sombres actes des Gitans. Les 3 premiers jours, il est un esprit cruel qui tourmente sa victime. Puis, il se révèle preneur d'âmes. Il traque le possesseur de l'objet maudit.
- Quel objet maudit ?
- Pris à la victime, maudit et rendu.
- Ça ? Si je le brûle ?
- Peu importe l'état du bouton, vous en demeurez la propriétaire.
- Le Lamia viendra.
- Pour m'emmener où ?
- ...
- Comment m'en débarrasser ?
- En apaisant l'esprit. Par une offrande de sang. En sacrifiant un animal. Un poulet.
- Non, je suis végétarienne ! J'aide au refuge des chiots ! Je ne tue pas les animaux !
- Vous changerez d'avis quand le Lamia viendra.
Jusqu'en enfer marque le grand retour du réalisateur Sam Raimi, qui après sa saga Spider-Man, retourne aux origines du genre horreur comique. Ce long-métrage présente un genre similaire de trash horriblement burlesque que ses films Evil Dead, en particulier le deuxième et troisième films. On peut dire que Raimi ne prend aucun gant, il prend un malin plaisir à torturer et harceler son héroïne principale (Christine) en l'envoyant valser dans les airs, la prenant continuellement pour un véritable sac de frappe, se faisant constamment arracher sa chevelure dorée, et infatigablement violé par une multitude de fluides corporels tout à fait répugnants et répulsifs jaillissant de divers orifices appartenant à une vieille tarée, finissant inlassablement par se retrouver dans sa bouche.
Le récit est très fluide et bien rythmé, tout s'enchaîne très vite, on ne s'ennuie jamais il se passe tout le temps quelque chose. Le spectateur est persécuté tout du long au même titre que Christine. L'histoire offre une intrigue intelligente, Alison Lohman qui incarne avec dynamisme et forte voix Christine Brown, est un agent de prête qui va avoir la mauvaise idée de refuser une prolongation d'hypothèque (à la demande de son patron) à une vieille gitane (Mme Ganush) à l'aspect effrayant avec un oeil, des ongles, et une dentition ladre et galeuse. Pour se venger, la vieille tarée projette à la jeune femme une malédiction mortelle, la condamnant au bout de trois jours au purgatoire. Pendant ce court laps de temps, Christine sera tourmentée et devra trouver une solution pour s'extraire de l'envoûtement.
L'intrigue convoque des dilemmes immoraux très intéressant, notamment avec le sacrifice animal, ou encore le passage de la malédiction. Que pouvons-nous accepter de faire pour échapper au Lamia ? Par contre gros what the fuck, pour le passage du bouton.
(Spoiler)
On ne me fera pas croire un instant qu'elle ne vérifie pas si le bouton de manchette est bien dans l'enveloppe. De plus, on grille trop facilement qu'il ne s'agit pas du bouton, de la part de Raimi, cette facilité est étonnante. Le tout est quand même sauvé lors de la séquence finale sur la rame de train, qui offre un plan final absolument remarquable avec le visage terrifié en gros plan du copain de Christine incarné par un Justin Long subtilement au point.
(Fin Spoiler)
Bien que Jusqu'en enfer offre un mélange d'horreur gore jouissif doté de péripéties dantesques et terrifiant, Sam Raimi en fait beaucoup trop, sans jamais prendre le recul nécessaire pour se demander s'il n'est pas dans la surenchère constante. Il se fait plaisir et peut-être même trop. Chaque idée au départ très originale est réutilisée encore, et encore, et encore, et encore... rendant le tout indigeste.
- Pourquoi arracher les cheveux de Christine une fois quand je peux le faire 4 fois ?
- Pourquoi introduire une fois des fluides corporels dégueulasse dans la bouche de Christine quand je peux le faire 8 fois ?
- Pourquoi faire apparaître qu'une fois dans un Jumpscare en gros plan le visage enragé et hurlant du démon Lamia et de la vieille Gitane quand je peux le faire 4 fois ?
Tout du long cela ne fait qu'enchérir sur les mêmes stratagèmes, ce qui convoque vite la lassitude.
Heureusement Sam Raimi reste un génie du genre, présentant avec efficacité une violence souvent injustifiée avec pour objectif de dégoûter autant que possible tout le monde. L'épouvante est utilisée avec intelligence, en peu de temps, des séquences autant déroutantes que géniales s'engagent. L'attaque de la vieille gitane dans la voiture est orgasmique, la séance d'exorcisme avec le bouc est délirante, le dîner toxique chez les beaux-parents snobs est divin, et le saignement de nez de Christine dans la banque en ferait jalouser Quentin Tarantino. Le tout est habilement soutenu par une ambiance lourde parfaitement soutenue par la composition musicale de Christopher Young qui est diaboliquement macabre et frissonnante. Grâce à ce subtil mélange, une parure de mysticisme inquiétant enrobe avec intensité le film, notamment avec sa superbe séquence d'ouverture et le générique qui se déroule juste après.
CONCLUSION :
Jusqu'en enfer est un film marquant le retour de Sam Raimi au genre horreur/humour noir, qui en grand maître présente une fable diabolique d'un type particulier, effrayant et délirant, accessible et révoltant dont lui seul a le secret. Néanmoins, le cinéaste abuse des bonnes choses et ne parvient pas à se renouveler, présentant tout du long du récit les mêmes stratagèmes jusqu'à overdose. C'est dommage car le super contraste inquiétant, la composition frissonnante, le casting inspiré, les séquences jouissives, et le parfait mélange de genre, méritait plus d'attention de la part de Raimi qui use tout du long des mêmes artifices de peur. Ce film aurait pu devenir un chef-d'oeuvre d'angoisse délirant, seulement le manque de finesse de Raimi en sera son bourreau. Un véritable triomphe a la gitane Mme Ganush qui est bien plus terrifiante et écoeurante que l'esprit du Lamia. La séquence où elle essaie de mordre Christine, sans ses dents est cultissime. Brilliant, dégoûtant, perturbant et savoureux.
Vu le nombre impossible de faciale que se prend Christine, je me demande si Sam Raimi ne cherche pas à faire passer un message douteux à sa femme.
Je ne veux pas de ton chat, sale reine du cochon!