On peut reprocher beaucoup de choses à Netflix, mais clairement pas le fait d’essayer de nous faire découvrir le cinéma de pays de tous horizons. C’est d’ailleurs une de leur politique, le développement du cinéma de genre en finançant les films de jeunes réalisateurs à travers le monde, en leur laissant les mains entièrement libres. Et moi, j’aime bien ça découvrir. Découvrir des petits films. Mais aussi découvrir le cinéma de pays vers lesquels on n’irait pas instinctivement. Je ne remercierai jamais assez ma curiosité pour m’avoir fait m’intéresser à l’allemand Hell (2011), au néerlandais New Kids Turbo (2010), au cubain Juan of the Dead (2011), à l’autrichien Therapy for a Vampire (2014), au paraguayen 7 Cajas (2012) ou encore au géorgien Landmine Goes Click (2015). Et je ne remercierai jamais assez Netflix de me permettre de continuer d’éveiller cette curiosité comme ce fût le cas tout récemment avec le québécois Jusqu’au Déclin (2020), un survival très réussi.
Sorti pendant le confinement dû au COVID-19, Jusqu’au Déclin est le 1er film québécois financé par Netflix. A la surprise de tout le monde, le succès est immédiat, le film cumulant 21 millions de visionnages à peine quatre semaines après sa sortie le 27 mars 2020. Est-ce parce que le film a pris tout son sens avec la période actuelle dans lequel il est sorti ? Dans le sens où le film suit des survivalistes qui suivent une formation avec un « maitre » du genre, afin de se préparer à tout dérèglement, voire effondrement, de notre société ? Qu’il nous parle de problèmes qui pourraient bien arriver avec tous ces changements climatiques et ce que cela provoque (montée des eaux, zones qui s’assèchent, catastrophes naturelles), avec notre économie qui est sans cesse sur le fil du rasoir, avec ces virus qui se répandent à vitesse grand V ? J’en veux pour preuve avec la phrase suivante d’un des protagonistes du film « S’il y a une crise économique ou si la planète se réchauffe encore, les gens vont avoir faim et nous on va être prêts ». Ou alors est-ce simplement parce que Jusqu’au Déclin est un bon film et qu’il a bénéficié d’un très bon bouche-à-oreille ? Et bien sans doute les deux. Car en plus d’une synchronisation assez surprenante avec la situation actuelle du monde dans lequel on vit, Jusqu’au Déclin est une très bonne bobine qui va nous happer dès sa première scène d’une efficacité redoutable. Et quand on constate qu’il s’agit ici d’un premier film, après quelques courts métrages, on se dit que Patrice Laliberté est un réalisateur qu’il va falloir suivre tant il fait preuve d’un grand savoir-faire technique et d’une grande maitrise des codes du survival.
Des films traitant du sujet, il y en a eu beaucoup. Mais là où ils s’attardent en général sur l’après, que ce soit avec une invasion de zombies, d’extraterrestres ou encore une vision post-apo , Jusqu’au Déclin va s’intéresser lui à ce qu’il se passe avant, à ceux qui se préparent à cette fin du monde. Vont s’opposer deux visions des choses, ceux qui se préparent au cas où ça arriverait et qui ont besoin de savoir comment réagir, et ceux qui sont persuadés que ça va arriver et qui ont déjà tout envisagé pour se défendre. Jusqu’au Déclin va remettre en question nos valeurs face aux autres dans une situation de survie. Et on va être happé par le ton et l’adrénaline du film tant il n’y aura pas de temps mort et tant celui-ci va nous tenir en haleine jusqu’au bout. Patrice Laliberté va simplifier son histoire au maximum. Il va chercher à rendre son récit le plus efficace et fluide possible, avec un scénario qui ne va pas s’attarder sur le superflu, et avec une excellente utilisation de l’environnement dans lequel les personnages évoluent. Leur psychologie n’est pas très approfondie mais elle n’est jamais laissée de côté et ils sont tous très bons, interprétés par des acteurs qui vont se donner à fond dans leur rôle. Tourné dans les Laurentides au nord de Montréal, les images nous donnent froid dans le dos. La neige et le froid prennent ici toute leur ampleur et certains plans arrivent presque à nous donner la chair de poule. La production a utilisé à la perfection le budget de 5M$ canadiens qui leur avait été alloué par Netflix, et le résultat est une grande réussite. Même si la deuxième partie (à partir de l’évènement qui lance le survival) est au final un peu en deçà de la première, on ne peut que saluer le travail de Patrice Laliberté et de ses équipes techniques.
Pour un premier film, Patrice Laliberté fait fort en nous servant un survival qui n’en est pas réellement un. Il ne fonce pas tête baissée dans les codes du genre tout en faisant en sorte qu’ils soient présents. Jusqu’au Déclin est une réussite, qui a encore plus d’impact compte tenu de la situation actuelle de notre monde.
Critique originale : ICI