Voilà un film qui aurait plu à Hitchcock. Dans l'esprit des anthologies ''Alfred Hitchcock présente'', il fait la satire des déboires du couple occidental.
Malgré une situation de départ peu courante inspirée par La Ardilla Roja - un homme se fait passer pour l'amant d'une femme rendue amnésique par un accident de la route - , le titre ''juste une autre histoire d'amour'' annonce sans ambages le programme, la mise à distance de l'intrigue principale par son rapprochement avec les plus banals faits divers : son collègue policier inflige régulièrement au personnage central photographe de scènes de crimes souvent passionnels (qui rêvait de travailler pour le National geographic), la lecture des derniers mots stéréotypés de suicidés illettrés, mises en garde inutiles contre les mirages de l'amour auquel succombe notre imposteur par coup de foudre.
Le spectateur reçoit l'occasionnel clin d'oeil envers l'aveuglement du romantique envoûté par les chimères des annonces publicitaires : des écrans de télé vendent l'exotisme cliché des plages ensoleillées , au milieu des parallèlipédiques rayons aveuglants des supermarchés. L'aventure, les aventures, l'aspiration paradoxale à l'harmonie du couple et à la satisfaction de désirs illimités...
Sans être jamais entré dans le club des réalisateurs à la mode, Ole Bornedal offre avec régularité des scénarios aboutis servis par une maîtrise rigoureuse de la narration filmique - exigences laissant peu de place à l'esbroufe et au tape-à-l'oeil (2) des films d'auteurs comme les Anderson, Eggleston, Garland, Lanthimos, Zvyagintsev, Aronofsky...(et incluons Peele pour ne pas oublier l'aspect ''concept mal développé qui n'a pourtant rien d'original'' )
La relative confusion initiale des flash-black et des flash forward génère le suspense en dévoilant progressivement les clés de l'intrigue ; le montage met en conflit les deux facettes des doubles vies des personnages ; des plans créent un écho entre le sinistre Danemark aux eaux noires et aux cieux ombrageux, et les flots bleu émeraude du Cambodge. Le film de Bornedal n'est pas joli, ou rempli de ''plans iconiques'' ; l'érotisme y est morbide (et cela sans les affèteries du cinéma fantastique, ou de la tradition picturale japonaise), et la romance fatale plutôt lâche et crasseuse. Bornedal n'esthétise pas le crime et la passion, puisque son projet consiste précisément à exposer la banalité des élans lyriques de l'amour, et leurs conséquences rien moins que romantiques (meurtre passionnel, divorce).
D'une certaine manière, tous les films noirs brodant sur ce fait divers fondateur (matrice dont le film ici présent se démarque malgré son titre ironique (1)), le meurtre du mari par le couple adultère, suivent une démarche comparable aux films de guerre qui nous mettent le nez dans la merde, les rats, les punaises et les puces, le froid, l'humidité et l'effroi des tranchées, désagréments prosaïques masqués derrière l'héroïsme des discours patriotiques.
(j'oubliais la connexion qu'établit la fascination érotique exercée par les virils militaires dans leurs beaux costumes ... immaculés? Et leurs moustaches soignées)
Entre Bornedal et Verhoeven, le cinéma des Pays-Bas n'est décidément pas désagréable.
(1) et sa construction est un clin d'oeil à Boulevard du crépuscule plus qu'à Assurance sur la mort, LE film fondateur du sous-genre du film noir dont Le facteur sonne toujours deux fois est l'archétype .
(2) exigences ou budget et temps de tournage étriqués!