Just Heroes par Ryo_Saeba
Il y a parfois des films à Hong Kong fait pour aider des associations ou des personnalités, comme par exemple Twin Dragons avec Jackie Chan qui avait été réalisé pour aider la guilde des réalisateurs de Hong Kong ou encore The Banquet dont les bénéfices ont été reversés à la population victime des inondations. Just Heroes lui a été fait en quelque sorte pour payer une retraite à Chang Che qui, malgré sa tonne de films réalisés, a fini sa vie dans la pauvreté. Quand on sait que Ti Lung, star de la Shaw, était payé à l'époque 50 euros par mois quelques soit le nombre de films qu'il tournait, ce n'est finalement pas si étonnant que ça.
Emmenés par John Woo et Wu Ma, tous ceux qui ont donc collaboré avec l'un des réalisateurs phare et des plus prolifiques de la Shaw Brothers sont réunis pour ce polar. Ils sont tous là, que ce soit les rôles principaux : Wu Ma, David Chiang, Chen Kuan Tai, Danny Lee ou encore les nombreux caméos : Lau Kar Wing, Lo Lieh, Ti Lung, Ku Feng, Yuen Woo-Ping, Tien Nu... Seul Wang Yu manque à l'appel, reconverti plus ou moins dans le milieu des triades avec lequel l'acteur a toujours entretenu des relations plus que douteuses. Pour l'anecdote Chang Che refusa l'argent des recettes du film qu'il reversa en intégralité à une association.
Bien que le film ait été réalisé par le duo Wu Ma / John Woo, la pâte de Woo est omniprésente, que ce soit dans le traitement des gunfights ou dans les thèmes et valeurs présents. Libre adaptation du Roi Lear de Shakespeare, le film transpose l'univers chevaleresque de la pièce dans celui des triades de Hong Kong excepté qu'ici, John Woo oblige, exit les 3 filles du rois ; les rôles féminins n'ont que peu d'importance et sont relégués en arrière plan. Ce scénario typique du genre (le Heroic Bloodshed), aussi classique soit-il, est cependant efficace et réussit à tenir le spectateur suffisamment en haleine durant toute la durée du métrage.
Les principaux reproches qu'on pourrait effectuer à l'encontre du film sont tout d'abord sa morale borderline. En effet, le milieu des triades est ici mis en valeur de façon quelque peu douteuse, même si dans le cinéma de Hong Kong on a déjà vu bien pire. Le 2e gros reproche est l'insertion du personnage fan de John Woo. L'auto citation du réalisateur est ici parodique et en devient même ridicule dans le final, que ce soit la scène des pots de fleurs ou lorsque le jeune s'excite tout haut à la fin d'une fusillade avec des cadavres à ses pieds. Ce personnage arrive comme un cheveu sur la soupe et casse littéralement le ton sérieux du film, ce qui est vraiment très mal venu.
Hormis ces défauts, Just Heroes reste un film jouissif, les chorégraphies et la réalisation des gunfights sont une véritable maestria comme seul Woo en a le secret. Les thèmes de ce même Woo sont également bien présents avec les différentes trahisons, amitiés, code d'honneur ... On se demande bien, connaissant la filmographie de Wu Ma en tant que réalisateur, ce que ce dernier a bien pu réaliser. Quant aux acteurs, ils sont ici chez eux et n'ont rien perdu avec l'âge, on retrouve avec plaisir toutes ces têtes qui ont fait l'âge d'or de la Shaw Brothers. En plus des habitués, on y retrouve également un Stephen Chow convaincant bien qu'encore débutant à l'époque, n'ayant alors à son actif que des polar ou films de triades tout ce qu'il y a de plus sérieux.
Si Just Heroes n'atteint pas la puissance émotionnelle d'un A Better Tomorrow ou d'un The Killer ni la maîtrise filmique des scènes d'action d'un Hard Boiled, il n'en reste pas moins un très bon divertissement portant indéniablement la marque de son réalisateur.