Charles Masson (Michel Bouquet), directeur d’une agence de publicité, assassine sa maîtresse Laura (Anna Douking), la femme de son meilleur ami, François Tellier (François Perrier). Charles éprouve bientôt une grande solitude morale et, rongé par les remords, avoue tout à sa femme Hélène (Stéphane Audran) qui ne le condamne pas. Malgré cela, le calvaire moral de Charles va aller grandissant…


Claude Chabrol aborde donc dans ce film plusieurs thèmes comme la culpabilité, l’amitié et l’amour dans le milieu de la petite bourgeoisie française dont il aime tant se moquer avec grande finesse à travers ses nombreuses réalisations.


Ici, le coupable ne cherche pas à fuir et ne supporte pas longtemps le poids de son crime. Un crime charnel, résultat d’un jeu sadomasochiste qui a mal tourné. Il l’avoue d’abord à sa femme qui ne semble pas plus bouleversée que ça et ne le blâme absolument pas. Le fait de partager son lourd secret va permettre à Charles de le supporter pendant quelques temps, mais les remords et le sentiment de culpabilité reviennent vite le ronger. Il décide donc de tout avouer à son meilleur ami en personne et lui demande même de porter plainte contre lui afin qu’il soit jugé pour sa faute et ainsi libérer son esprit de ce crime qui lui torture l’esprit. Mais encore une fois, le résultat de son aveu n’a pas du tout l’effet escompté. Son ami ne paraissant aucunement rancunier à son égard et lui conseillant même d’oublier toute cette histoire. Cette réponse ne fait que plonger Charles dans un tourment encore plus profond. Leur discussion se termine d’une façon qui résume bien la situation: « Charles: – Ne te force pas à empêcher notre amitié de mourir si tu sens que ce n’est plus possible ». François lui répondant comme si de rien n’était, impassible: « A demain Charles… ».


Chabrol ne tombe pas dans le cliché du politiquement correct et de l’attendu et laisse son coupable seul avec ses démons. Le comportement de sa femme est très ambigüe. Elle ne parait pas touchée et refuse que son mari se rende à la police, mais est-ce pour le bien de ce-dernier ou plutôt pour son bien à elle, sa grande maison, ses enfants, son petit confort bourgeois? Pareil pour le mari veuf/cocu qui souhaite peut-être garder une certaine réputation, ne se souciant guère du malaise ressenti par son « meilleur » ami et le besoin qu’il a d’être jugé pour sa faute… Le réalisateur du Beau Serge (1958) décrit donc ici un des côtés sombres de la nature humaine, très bourgeois, qui ne pense qu’à sa pomme, à son petit bien-être, sous-couvert d' »aider son prochain ».


Comme souvent chez Chabrol, la réalisation est toute en sobriété et la mise en scène très maitrisée. La tension va crescendo pour amener à une fin ambivalente et que l’on peut imaginer comme finalement salvatrice pour Charles.


Le casting est très bon, avec en tête, le duo Michel Bouquet/Stéphane Audran, déjà réunis dans La femme infidèle (1969), dont le sujet comportait d’ailleurs plusieurs points communs avec ce film là.


Juste avant la nuit est un film assez sous-estimé, mais surement l’un des tous meilleurs de Claude Chabrol, pas loin derrière Que la bête meure (1969) ou Le boucher (1970), autres grands films de ce réalisateur génial, vestige d’un âge d’or du cinéma français.


Le site de l'article

Créée

le 7 mai 2015

Critique lue 1.6K fois

5 j'aime

Moltes

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

5

D'autres avis sur Juste avant la nuit

Juste avant la nuit
Plume231
7

Dostoïevski chez Chabrol !!!

On pense un peu à "La Femme infidèle", un des meilleurs Chabrol, sauf que de cocufié Michel Bouquet passe à cocufieur et inversement pour Stéphane Audran mais par contre il conserve son rang...

le 8 déc. 2013

12 j'aime

6

Juste avant la nuit
FrankyFockers
5

Critique de Juste avant la nuit par FrankyFockers

Juger ce film est délicat... On est toujours dans la très grande période de Chabrol (début 70's), avec ses deux acteurs fétiches (merveilleux), et tous ses fidèles. Comme souvent chez Chabrol, c'est...

le 18 mars 2015

6 j'aime

1

Juste avant la nuit
Moltes
8

Critique de Juste avant la nuit par Moltes

Charles Masson (Michel Bouquet), directeur d’une agence de publicité, assassine sa maîtresse Laura (Anna Douking), la femme de son meilleur ami, François Tellier (François Perrier). Charles éprouve...

le 7 mai 2015

5 j'aime

Du même critique

Juste avant la nuit
Moltes
8

Critique de Juste avant la nuit par Moltes

Charles Masson (Michel Bouquet), directeur d’une agence de publicité, assassine sa maîtresse Laura (Anna Douking), la femme de son meilleur ami, François Tellier (François Perrier). Charles éprouve...

le 7 mai 2015

5 j'aime

Il ne faut jurer de rien !
Moltes
1

Critique de Il ne faut jurer de rien ! par Moltes

Merci pour lui et pour le cinéma français en général, Jean Dujardin a un jour rencontré Michel Hazanavicius qui le fera jouer dans une des meilleurs comédies française de tout les temps (OSS 117 au...

le 31 mai 2013

3 j'aime

9 Mois ferme
Moltes
6

Critique de 9 Mois ferme par Moltes

Le nouveau film de Albert Dupontel après Le vilain (2008), qui nous avait fait rire, mais pas trop, 9 mois ferme est une bonne petite comédie qui fait rire, mais sans plus. Le réalisateur/acteur...

le 31 août 2013

2 j'aime