Contrairement à la plupart de mes camarades ici, je suis resté cloué sur mon siège pendant toute la projection. Pourtant ce n'était pas gagné. La 1ère bande-annonce qui accompagnait la présentation au festival de Cannes laissait présager un monument de grotesque : des acteurs surjouant l'hystérie et la grossièreté et la crainte d'un cinéma jouant sans nuance les clichés du théâtre filmé en huis clos à grand renfort de mauvais goût. J'étais donc loin d'attendre le dernier film du jeune prodige de 27 ans. Très vite, j'ai pourtant été conquis par le dispositif. Soit un écrivain à succès, échappé de son milieu familial et populaire, qui revient 12 ans avoir coupé les ponts, pour annoncer sa mort. Dolan choisit d'isoler chacun des membres de cette famille dans des close up pour les confronter à l'écrivain à succès afin de lui déverser la bile de leur récriminations : sa jeune soeur qu'il ne connait pas, sa belle soeur soumise à son mari quasi psychopathe et enfin la mère, personnage immature, perdue dans ses regrets. La force du film vient du jeu sur un texte très écrit dont chaque dialogue traduit l'aliénation de la famille, sujet central du cinéma de Dolan, tandis que les silences vont au contraire traduire l'indicible. Marion Cotillard évolue ainsi dans un certain flottement, bégayant dans un premier temps des banalités sur ses enfants, sans cesse interrompue par les vociférations de son mari. C'est pourtant par des jeux de regard que le spectateur aura l'intuition plus tard qu'elle est la seule à avoir compris la raison sinistre de la venue son beau-frère.
On ne saura jamais ce qui a bien pu déliter les liens familiaux (les hypothèses de l'homosexualité mal acceptée ou d'un traumatisme sont vite écartées), mais le coeur du film est probablement le portrait d'un jeune homme souffrant de la modestie de son milieu, transfuge de classe et honteux d'avoir coupé les liens du sang, personnage ennuyeux diront certains. Pourtant, Gaspard Uliel compose le portrait tout en nuances de ce jeune homme qui n'arrive pas à se faire entendre et dont la douleur rentrée émeut tout au long de la projection. La dernière séquence est un véritable coup de poing et s'impose comme une des plus puissante vue cette année, laissant le spectateur convaincu d'avoir vu un film maîtrisé de bout en bout.

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le 22 sept. 2016

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