On ne reprochera pas à Ryan Gosling de ne pas faire preuve d'imagination. Il choisit de traiter du déclin de l'ancienne capitale de l'automobile, Detroit, vidée par la crise de ses habitants (qui prend le nom ici de "Lost River") sur le mode onirique. Cette belle idée de mêler documentaire et réalisme poétique était probablement excellente sur le papier mais il manque ici un producteur qui aurait pu aider le cinéaste débutant à construire un récit resté au stade du brouillon (le film a pourtant été remonté depuis sa présentation à Cannes l'an passé). Passé le premier quart d'heure qui suscite l'intérêt, le film accumule les clichés, réduit les personnages à des silhouettes incarnées par des acteurs inexpressifs et s'épuise en vaines circonvolutions tandis que le récit s'étiole au fil de la projection. On est loin des références qui écrasent le pauvre Gosling : des plans copiés collés de Malick (enfant dans les prés), de Winding Refn (la photographie référencée de Benoît Debie, échappé de Enter the Void de Gaspar Noé et qui asphyxie totalement le film) et surtout de David Lynch auquel on pense le plus souvent. Mais je n'ai jamais ressenti pour ma part les instants de pure sidération esthétique que l'on trouve chez ses maîtres. Reste un film interminable (pour une durée d'une heure trente !), maniériste, confus et trop préoccupé à faire étalage de son savoir-faire chic un peu toc pour être vraiment convaincu qu'un cinéaste est né.