A certain justice / Puncture Rounds (2015)
Ce qu'il y a de bien avec Vinnie Jones c'est que sa gueule d'acteur, exploitée depuis ses frasques sur les terrains de football anglais (une légende du Wimbledon FC) jusqu'au meilleur cinéma d'auteur barré (Arnaques Crimes et Botanique de Guy Ritchie en 1998, Snatch en 2000), fait toujours de l'effet à 50 ans. Un regard perçant, sauvage, une carrure massive, et ce rictus en coin mélange de sadisme et d'amusement qui fait basculer toute scène dans une ambiance oldie's mais à la cool. Le problème c'est que Vinnie jones n'apparait que dans quatre pauvres scènes, dont une de torture qui aurait pu être un excellent moment de franche poilade virile si elle ne durait pas en tout et pour tout 3min26. Le tout en réussissant à transmettre la désagréable sensation que ce bon Vinnie est passé en copain sur une production de Dolph Lundgren faisant un caméo sous-exploité et mollasson au possible. Fini cet intermède, le film nous attire dans les tréfonds de l'ennui la faute à la sainte trilogie du film fauché.
Le casting est particulièrement mal choisi ou mal exploité. Cung Le, qui eu son heure de gloire en tant que combattant amateur puis pro du circuit US de Sanshou (art martial libre chinois) dans les 90's, puis comme combattant MMA depuis 2005-2006, est aussi expressif qu'un veau malgré un scénario qui ne l'épargne pas (parents brûlés vifs, sœur violée puis tuée, vétéran de la guerre, stress post-traumatique). Pour Cung Le, avoir mal, souffrir, regretter, désespérer, patienter... c'est faire la gueule. Mal chorégraphié, le film le fait passer pour un artiste martial lent (ce qu'il est passablement en MMA il faut l'avouer) et répétitif, sans imagination, surtout quand on compare ce film à Merantau de Gareth Evans avec son protégé Iko Uwais, production indonésienne sortie en 2009. Uwais est rapide, souple, charismatique, délié et créatif. Tout ce que n'est pas Cung Le dont le pedigree promettait beaucoup mieux, il faut avouer que le réalisateur usant et abusant de ralentis ne l'aide pas. Cung Le sait se battre, il a clairement le potentiel, mais c'est un massacre. Dolph Lundgren, maquillé et sapé comme le redneck de l’Amérique profonde, se promène une improbable moustache tombante et une serpillière sur la tête en guise de perruque. C'est dommage car dans l'absolu ça lui donne un genre intéressant. Pour éviter de faire fuir le spectateur potentiel, la plupart des jaquettes évitent soigneusement de le représenter ainsi. Le poster destiné à l'affichage dans les entrées des salles obscures US intitulé Puncture Wounds (A certain justice à l'export) permet d'en avoir un aperçu tragique. Pour cela visez l'article Wikipédia anglophone sur le film. Assez immonde et ridicule, son combat final fait passer son duel avec Jet Li dans Expendables pour un opéra martial. Il n'a aucune vitesse et parait empoté au possible, forcément s'il doit se battre avec Cung Le qui lui même est lent, pour être défait, il doit faire pire, alors il lève la jambe, sans conviction. Tout au plus sa meilleure scène de combat reste celle où il boxe son sac de frappe torse nu, au moins on peut constater que le bestiau tient la forme. Le reste du casting est anecdotique, la demoiselle au centre de l'intrigue ne vaut pas mieux que la chair à canon des petites productions d'horreur semi-amateur, et Gianni Capaldi qui suit Lundgren depuis quelques films (comme Vinnie Jonnes), hérite d'un personnage intéressant (donc avec des Nuances, des remords, des états d'âme) mais là encore exploité à la petite semaine.
L'aspect cheap doit bien se faire sentir. Carton plein pour le cahier des charges de cette production low-cost. Merantau, petite bombe artistique et nantie d'un combat final ahurissant, a couté 1.1 millions de dollars, alors que A certain justice a lui couté un peu moins d'1million. Mais le fossé est flagrant! Certaines critiques outre-atlantique se sont félicitées du rendu qui semble donner des airs de film correct à ce si petit budget, j'en reste coi. Ce film est monté sous LSD, avec des découpages digne d'un spot publicitaire, une narration infecte qui spoile dès le début du métrage la moitié des scènes d'action du film, tout cela pour éviter d'avoir à installer chaque personnage. Ce procédé assez indigne fait gagner du temps, mais en faire quoi? Tourné en 17 jours en Californie, autour de Los Angeles, le film fait penser à ces petites productions de réalisateurs débutants ou sur la touche qui avec 300 000 dollars exploite le décor gratuit du désert et des banlieues dortoirs. Le soucis est que tout est à l'avenant. Véhicules vieillots, motels miteux, une villa et son jardin et des bureaux sans même une façade devant laquelle jouer. Nombre de scènes se passent dans une voiture, ce qui, d'ordinaire, devrait alerter. Le héro trimballe un éternel treillis et un haut noir, que ce soit dans ses souvenirs afghans comme aux USA, et la bombinette explosant dans une scène d'assaut achève de faire comprendre que le film ne pouvait prétendre à mieux.
Un scénario à la ramasse. Le film pâtit essentiellement d'un fil conducteur monté à la va comme je te pousse. Une intrigue policière digne des aventures les plus trépidantes de Droopy, un suspens nul, des incohérences à la pelle (le héro à qui on dit qu'un labo de son ennemi se trouve au nord est de la ville s'y rend quasi sans sourciller sans en avoir l'exacte adresse. Los Angeles, la ville où même le GPS est inutile, les labo de dope ont pignon sur rue), des rebondissements jamais exploités (la tension entre Vin et Hollis, le viol supposé - il faut tendre l'oreille pour le deviner - de la sœur du protagoniste, la relation entre Vin, le lieutenant, et Bennett, le caïd) et des situations ubuesques dont on se demande comment elles viennent à se dérouler (Bennett et Magico dans la voiture, une rencontre gratuite, sans raison et au dénouement WTF). Rien ne semble s'emboîter et on assiste à la progression du héro comme un jeu vidéo, niveau après niveau, sans réels liens, une superposition de scènes qui finissent par lasser. On en vient à prier que les antagonistes mettent le grappin sur Cung Le alias John Nguyen pour que cela dérouille sérieusement. Le film ne nous fait même pas la grâce d'un peu de nudité ou de giclées de sang, tout au plus quelques blessures, toutes passablement identiques (du gros sel en chevrotine sur un tibia fait les même dégâts que du plomb de fusil à pompe sur une hanche). Coté maquillage on a du économiser, sans doute...
A noter, dans la VF le formidable accent pseudo-sino-vietico-thaï des parents de John, avec ce je-ne-sais-quoi des plus belles heures de Michel Leeb, et l'incapacité du doubleur français à savoir prononcer Nguyen (il faut le prononcer "nGniouyen" - le N et le G du début se mangent dans un même son et le "yen" est à peine prononcé- à peu de choses près phonétiquement) disant en butant N-Gui-yen. Quand on sait l'immense communauté vietnamienne vivant en France c'est malheureux. Ce serait anecdotique si la VO n'avait pas la même plaie. C'est un comble quand on sait que Cung Le est vietnamien (né à Saïgon), il aurait pu rencarder son collègue, à moins que comme toute production tournée à la va vite et fauchée certaines scènes aient été tournées à l'écart en équipe réduite, faisant de ce film un patchwork de performances isolées. Ce qui, en soi, serait un début d'explication à la gestation de ce bousin patriotique et fatigué.
Je mets un 02/10, pour les combats ...