Sans refaire l’histoire, Yes Madam (1985) de Corey Yuen a propulsé sur le devant de la scène les films d’action avec des femmes badass incarnant les protagonistes principaux. Le sous-genre Girls With Guns, que beaucoup d’amateurs de peloches HK apprécient, était né. A partir de là, des dizaines et dizaines de productions plus ou moins réussies, plus ou moins obscures, ont vu le jour et chaque année verra son flot de films du genre débarquer dans les cinémas de Hong Kong jusqu’au milieu des années 90. L’inévitable Sammo Hung, via sa boite de production, s’est sans doute dit qu’il n’y avait pas de raison qu’il ne participe pas à la fête et pour cela, il va faire appels aux meilleurs artisans de Hong Kong. Corey Yuen avait pondu un excellent Righting Wrongs (Une Flic de Choc chez nous) ? Le voilà à la tête du film. Pour l’action, il fait appel en plus à Meng Hoi et Yuen Tak. Et pour le rôle féminin principal, c’est à une ancienne miss Hong Kong qu’il s’adresse, Joyce Godenzi, actrice non martiale mais néanmoins athlétique qu’il avait déjà fait tourner dans Eastern Condors, et elle sera entouré d’un casting de luxe. She Shoots Straight (Justice Sans Sommation chez Nous) était né, et il s’agit d’un des très bons représentants du genre.
Comme précisé ci-dessus, Joyce Godenzi n’est pas une actrice martiale et avait eu une carrière de mannequin avant de commencer le cinéma en 1986. Elle a remporté le concours de Miss Hong Kong en 1984 et a même failli concourir pour Miss Univers peu de temps après. Avant de l’épouser en 1995, Sammo Hung lui a peaufiné des rôles et lui a enseigné les arts martiaux afin qu’elle soit le plus crédible possible dans les scènes d’action. En des combats réellement impressionnants dans des films tels que Eastern Condors, Licence To Steal, et donc ce She Shoots Straight qui est dans la droite lignée de Righting Wrongs que Corey Yuen, qui fait d’ailleurs un cameo lors du final du film, réalisa quatre ans plus tôt. Soyons clairs d’entrée de jeu, le film ne brille pas particulièrement par son scénario, très simple, déjà vu, mais avec des personnages attachants et des relations entre eux très intéressantes. Le film est une histoire de famille, avec tout ce que cela implique dans la vie de tous les jours, surtout lorsqu’on y est policier de père en fille et fille. Certes, tout cela n’est pas très profond mais grâce au talent des acteurs, le résultat est fort appréciable. Il faut dire qu’il y a dans le film toute une ribambelle d’acteurs connus, aussi bien du côté des héros, avec le trio Tony Leung Ka-Fai (Gunmen, Prison On Fire) / Carina Lau (Nos Années Sauvages, Project A 2) / Joyce Godenzi donc, que du côté des antagonistes avec le génial Yuen Wah (Eastern Condors, Dragons Forever) et la trop rare body buildeuse Agnes Aurelio (Licence to Steal, The Big Score). Ajoutez Sandra Ng, Sammo Hung, Helena Law, Chung Fat, Amy Yip ou encore Stephen Chan dans des seconds rôles ou des cameo et vous obtenez un casting trois étoiles. Mais celle qui pourtant crève l’écran à chacune de ses apparitions, c’est la vétérane Tang Pik-Wan (elle tournait depuis 1950) et son charisme qui crève l’écran à chacune de ses apparitions dans le rôle d’une mère de famille qui tient plus que tout à ses enfants. L’actrice décèdera d’ailleurs l’année suivante à l’âge de 65 ans.
Nous sommes ici dans un film assez typique de Corey Yuen avec des ingrédients qu’il apprécie particulièrement : un peu d’humour, des touches de mélodrame et des scènes d’action solides et surtout généreuses. Pour la comédie, tout dépend de la relation que vous entretenez avec l’humour cantonais, bien qu’ici il reste léger et va plus être présent lors de dialogues bien funs entre les différents personnages. Pour le mélodrame, Corey Yuen va y aller à fond les ballons en milieu de film. Le long passage suivant la mort d’un des protagonistes a beau être touchant, il est très (trop) appuyé et sans doute beaucoup trop long. Mais c’est ainsi fait afin de préparer la dernière partie du film et de justifier la vengeance et le déchainement de violence et d’action qui va suivre. Car bien qu’il y ait un peu d’action au début, une autre scène à mi-film, c’est réellement le finir de She Shoots Straight qui va être mémorable. Avec aux manettes des scènes d’action le trio Corey Yuen / Yuen Tak / Meng Hoi, il y avait de quoi se réjouir d’avance et le film nous donne ce pourquoi on est venu. Le film impressionne déjà avec ses cascades assez folles. Que ce soit la chute sur le dos de Joyce Godenzi d’une branche de quatre mètres, le vol plané de Carina Lau sur une table jonchée de vaisselle ou le vol plané d’une falaise à moto de Yuen Wah, on reste les yeux écarquillés devant notre écran. Pour les scènes d’action, c’est la même chose. Autant Corey Yuen ne fait pas preuve de beaucoup d’originalité pour les scènes classiques, autant un soin tout particulier est apporté lorsque ça se met à défourailler. Que ce soit les combats à mains nues ou les gunfights crépusculaires, on en a pour son argent et jamais Yuen ne cherche à amoindrir le niveau de brutalité. Le combat final entre Joyce Godenzi et Agnes Aurelio mérite une mention spéciale car c’est lui qui va faire que She Shoots Straight reste dans les mémoires. Chaque mouvement a été millimétré, les ralentis sont savamment bien placés, on ressent à chaque seconde toute la fureur des deux combattantes et la brutalité des coups qui s’en suivent. Comment n’ont-elles pas fini à l’hôpital, surtout lorsqu’on comprend que beaucoup de coups sont réellement portés ? Aurelio est une vraie tigresse et Godenzi fait preuve d’une grande souplesse et d’un talent qui semble inné pour les acrobaties. L’intensité est folle.
Classique du cinéma d’action de Hong Kong, She Shoots Straight est un très bon girls with guns réalisé par un Corey Yuen en grande forme. Un film pas parfait, mais pourtant un must see pour les amateurs de tatanes made in HK.
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-she-shoots-straight-de-corey-yuen-1990/