Ça va trop vite
Critique non exhaustive se focalisant surtout sur les points négatifs du film pour contre-balancer un peu la masse de gens qui disent que le film est parfait et qu'Astier est un génie du cinéma,...
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le 21 juil. 2021
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Le dernier épisode de Kaamelott s’était arrêté sur la tentative de suicide du roi Arthur. Placé sous le signe du déclin, Kaamelott est investi par Lancelot et la Table Ronde détruite, les chevaliers sont traqués, et le royaume sombre dans un règne de terreur. Alors, Arthur demande à Venec de l’emmener à Rome pour s’y réfugier…
Parlons rapidement de la série. On peut dire que la force de Kaamelott c’est d’abord la richesse des dialogues. La roulette !!! essentielle d’une gigantesque machine à phrases cultes. A chaque épisode, nous participons à un organisme complexe qui nous immerge dans le monde et la vie de personnages hauts en couleurs qu’on regarde en boucle sans jamais se lasser un seul instant.
Et oui, regarder Kaamelott c’est enlacer le bonheur. Pendant deux minutes, nous nous extirpons des contes et légendes d’authentiques héros pour pénétrer dans une histoire alternative plus intime et surtout décalée. Quelques secondes de visionnage suffisent à révéler des textures, un relief, un parcours, et même de grandes ambivalences. Car derrière ces vannes qui ont envahi notre quotidien, l’écriture des personnages est toute aussi riche : on est autant fasciné par l’humour unique de la série que par sa capacité à mettre en place sa dramaturgie.
Plusieurs années viennent de s’écouler, l’occasion de faire le bilan du règne du seigneur Lancelot sur le Royaume de Logres. On retrouve ce personnage dans une tenue étrange qui reflète toute son animalité et inspire la crainte. Oui, Lancelot, autrefois le symbole idéal de la chevalerie (peut-être même davantage qu’Arthur) est aujourd’hui un tyran. Un souverain à l’image de son royaume : malade, rongé par la folie, sur le déclin. Il en est même venu à faire une alliance avec les envahisseurs saxons pour traquer les chevaliers résistants. Ce qui fait de lui un antagoniste convainquant, notamment à travers tout son background de noble chevalier.
Puis il y a Arthur : un roi déchu qui vagabonde sans avenir. La Résistance n’espère que lui pour enfin détenir l’étincelle qui enflammera toute la révolte. Astier joue d’ailleurs énormément sur cet aspect si récurrent de la fantasy, soit le retour du roi. Habituellement, c’est une thématique traitée du point de vue d’un héroïsme saupoudré de modestie face aux responsabilités du trône, mais cette fois-ci Astier n’en fait rien. Car pour Arthur, ce retour reste contraint et forcé avec un poids de l’échec qui pèse encore sur la volonté d’accéder à nouveau au titre de roi. La dualité entre Arthur et Lancelot en devient alors beaucoup plus forte, et tous deux se livrent à des affrontements épiques dont les chorégraphies à l’épée ne sont pas sans rappeler modestement Star Wars.
Je peux aussi vous parler des deux plus gros nazes de Kaamelott. Perceval et Karadoc semblent en dehors des péripéties de l’intrigue. C’est même assez attendrissant de les retrouver ainsi : toujours à déconner sans jamais prendre les problèmes au sérieux. Alexandre Astier disait en interview que les comédies sont bonnes quand elles sont construites avec des personnages pathétiques et drôles qui doivent faire face à des situations sérieuses et même dangereuses. C’est une nouvelle fois le cas. Et si l’on accepte cette immaturité globale, l’alliance entre l’humour et le drama permet au film de prendre sa place au point culminant de ce schéma qui vise à concrétiser tous les aspects possibles de Kaamelott dans un élan nostalgique des événements les plus marquants de la série.
L’humour, chez Astier, a toujours été très particulier car il se conjuguait avec le drama. C’était une passation d’ambiance mise en place progressivement afin que l’un prenne le pas sur l’autre sans jamais totalement effacer l’humour au profit de la dramaturgie de l’intrigue. Dorénavant, l’humour et le drama se conjuguent aussi avec l’épique.
Astier fait un véritable effort pour dynamiser l’intrigue avec des scènes parfois dignes d’un blockbuster américain. Siège d’une forteresse, entrainement rythmé des troupes, combats dantesques à l’épée, c’est une puissance cinématographique qui fait basculer l’innovation de Kaamelott dans un nouveau domaine inédit : celui de l’action. Dans la série, on ne voyait jamais les dragons et les hydres, les guerres et les batailles. Ici, les confrontations sont non seulement filmées mais jouissent aussi d’une mise en scène impeccable. De The Lord of the Rings à Star Wars, Kaamelott le film s’inspire explicitement de ces deux géants pour effectuer un véritable mélange des genres. Il y a certes une flopée d’éléments familiers qui joue sur la nostalgie, mais je pense qu’Astier cherche réellement à émanciper sa trilogie de sa série. De quoi justifier l’expansion de Kaamelott au cinéma.
Ce premier film se caractérise autant par l’audace que par le panache. C’en est troublant de constater l’écart entre les ambitions du film et celles des concurrents directs qui pataugent depuis des années dans un humour loin d’être drôle et intelligent. A la manière de la série qui s’émancipait des caractéristiques modestes d’une petite émission télévisée, Astier investit le cinéma français pour donner une leçon d’écriture et de mise en scène.
Concrètement, le présent métrage fait imploser les codes éculés de l’humour à la française en exploitant tout notre potentiel créatif. On est ravi d’être loin des blagues carambar de Dubosc, loin des faux maîtres du rire comme Dany Boon, loin du caractère pédant de Kev Adams. Avec Astier, on touche du doigt l’art de faire rire intelligemment comme pouvait le faire en son temps le cinéma de Michel Audiard. Si bien que, après Kaamelott, il est difficile d’imaginer le cinéma humoristique français repartir dans ses pires travers. Espérons que le film sera l’inspiration qui permettra aux jeunes auteurs de créer des œuvres du même acabit.
Autant ne pas y aller par le dos de la couhillère ! En tant que réalisateur/auteur/acteur principal, Alexandre Astier n’est pas resté planter là comme un radis pendant toutes ces années. Le moindre détail a été pensé pour satisfaire autant le spécialiste-fan que le néophyte.
Pour le premier spectateur, le film sera le soulagement d’enfin voir la suite d’une série chère à son cœur qu’il connait sur le bout des doigts. Les interrogations des dernières saisons y trouvent leurs réponses, tandis que l’intrigue en pose encore de nouvelles. Pour le second, c’est une porte d’entrée vers un nouveau divertissement. La narration est suffisamment harmonieuse pour que le film soit accessible pour tous et j’envie sincèrement celui qui foncera chez lui pour découvrir la série après le visionnage du film.
Mais il faut aussi nous interroger de l’impact de Kaamelott sur le cinéma français. C’est une nouvelle preuve que nous ne sommes pas contraint d’être les otages d’une fausse maîtrise du rire. La preuve flagrante que nous sommes parfaitement capables de combiner un humour intelligent et une dramaturgie réfléchie. Et avec un saut visuel de cette envergure, nous sommes alors aussi capables d’être bon en terme de pur spectacle. Aux jeunes auteurs de s’en inspirer et d’être aussi audacieux. Au bûcher les hérétiques !
La patience est un plat qui se mange sans sauce
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le 20 juil. 2021
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