Une famille paradoxale : un filme riche, imprévisible et touchant

Forte d’un imaginaire qui lui est propre mêlant fantaisie, pop culture, onirisme et vie en société, Miranda July revient à la création cinématographique 9 ans après son précédent film, The Future (2011), en proposant une œuvre riche et ambivalente.


On suit Old Dolio (Evan Rachel Wood), une jeune femme réveuse et perdue errant avec ses parents Robert (Richard Jenkins) et Theresa (Debra Winger) à la recherche de combines et d’arnaques pour récolter de l’argent. Ils vivent dans un bureau sous le sol d’une usine à bulles qui s’infiltrent entre les murs de leur appartement. Cette défaillance réduit leur loyer auprès du propriétaire, mais ils ont quand même trois mois de retard à payer à la fin de la semaine.


Dès la première séquence, nous sommes plongés dans un double rythme surprenant (l’attente d’un bus se transforme en mission d’infiltration), une double lecture qui va durer tout au long du film incarné par les interactions imprévisibles des parents envers Old Dolio, ou par l’arrivée de Mélanie (Gina Rodriguez) qui viendra bouleverser définitivement le récit. Par sa structure tonale varié et son jeu sur la limite entre comédie hilarante et drame existentiel, le film livre une expérience émotionnelle touchante et inattendue.


La norme et la marge viennent à se confronter à la moitié du film lors de la rencontre des trois fourbes qui refusent la consommation, avec Mélanie, jeune femme incarnant tout le contraire. Les relations vont se complexifier, appelant Old Dolio à se déconstruire (par rapport à ses parents, son mode de vie, sa sexualité et ses désirs) au profit d’un éveil aussi douloureux que libérateur. Au fil des séquences, on voit les transformations du corps rigide vêtu d’habits oversize de la protagoniste à son exploration à travers la danse, les tenues de soirées inconfortables, et les déguisement d’arnaqueuse.


Les multiples approches et niveaux de lectures du film sont harmonisés par l'esthétique : le côté pop des palettes de couleurs à la Wes Anderson ; la superbe bande originale d’Emile Mosseri proposant une nappe onirique qui invite au voyage ; et des scènes d’une fantaisie remarquable qui nous embarquent hors du temps (séquence du piano, des étoiles, de la danse). Miranda July oppose d’abord la queer culture à la pop culture avant de les faire fusionner.


Toutes les nuances sont là, dans la mise en scène des détails, jusqu’à créer une œuvre résonante où le grotesque peut s'immiscer avec plaisir jusqu’à un baiser saphique dans un supermarché évoquant tout le paradoxe des normes.


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Psukhe
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le 22 oct. 2020

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