Kedma
5.6
Kedma

Film de Amos Gitaï (2002)

Le film est fait de dialogues émiettés, de bribes de vies humaines lancés avec folie, dédain ou désespoir.
Je ne les ai pas trouvés vides. Ces mots nous ont laissé des expériences morcelées, l'expression de la douleur mutuelle de deux peuples; les Palestiniens qui ont été privés de leurs terres, et les Juifs qui ont subi le génocide.
Chacun évoque à demi-mot son passé, de manière confuse et indicible, jusqu'aux monologues finaux, notamment celui de Janusz, Juif polonais qui remet en question l'histoire de son peuple. L'acteur sombrant dans la folie y est sublime, vrai et humain. Ses mots répondent tant aux incohérences du film, à ces questions sans réponse -pourquoi se battre ? pourquoi souffrir?- qu'aux incohérences et bévues de l'Histoire réelle, celle du Moyen-Orient, qui semble parfois être la succession de violences et d'incompréhensions (cf le film Ajami, de Yaron Shani et Scandar Copti).
Les images m'ont semblé également fortes malgré certaines longueurs dans l'achèvement des plans. Des images qui nous montrent des êtres faits de chair et de sang, femmes et hommes, comme dans le premier plan du film où nous découvrons la nudité de la compagne de Janusz. Cette nudité prolongée, cette étreinte des amants désunis, est celle des personnages qui se livrent et se délivrent avant la mort, ou l'inconnu de l'avenir. Elle reflète l'intimité brisée des deux peuples qui se confrontent; les Palestiniens n'ont-ils pas vu leur village détruit, au seul son des bombardements ?
Kedma est le témoin d'un trouble historique, d'une errance sans but sur laquelle les mots glissent, impuissants et forts à la fois. S'ils s'avèrent impuissants à changer le cours des événements (comme le dira le maçon arabe dans House/Beit, de Gitai également), ils peuvent toucher notre sensibilité et notre raison.
Amos Gitai, que j'ai eu la chance de rencontrer aujourd'hui au festival Confrontation (Perpignan), nous a dit avoir tiré ses deux monologues finaux de textes de poètes palestiniens et israéliens, poètes dont j'ai malheureusement oublié le nom. Ainsi, l'image parle et communique avec le texte, nous transmet les inquiétudes profondes d'êtres errants, à la recherche d'une Histoire.
Ahava
7
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le 19 avr. 2013

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