Comment massacrer un sujet prometteur en une leçon
Quand le réalisateur israélien Amos Gitaï, bien connu pour ses positions anti-sionistes, s'attèle au sujet fortement évocateur qu'est la guerre de Palestine en 48, celle-là même qui, menée par des réfugiés du génocide des juifs d'Europe, a conduit à l'indépendance de l'état d'Israël, on est en droit d'attendre un récit cynique, vibrant et puissant sur la haine et la violence naissant de la peur et du danger à l'échelle sociologique comme psychologique, ou plus particulièrement un récit soulignant l'absurdité géopolitique du placement de la nation Israélienne, mettant en parallèle d'Israël conquérant des premières heures et celui des colonies; bref, on attend de lui du fond et de la substance.
On s'aperçoit rapidement que c'est là trop demander au réalisateur israélien, qui préfère le poids des images (ternes et filmées à la truelle) et les discours pathétiques surjoués par des acteurs en roue libre au moindre propos.
Kedma consiste en une première partie, longue,ennuyeuse et surtout parfaitement stérile où l'on suit des réfugiés clandestins Israélien débarquer en terre promises, puis tenter d'échapper à une patrouille de soldat anglais au cour d'une longue randonnée pendant laquelle Gitaï cherche désespérément un sujet à cadrer. Les incohérences sont nombreuses, la fuite n'est pas crédible (les réfugiés sont trop lents, se font rattraper, allument des feux de bois et se cachent sous le nez de leurs poursuivants dans des lieux évidents (la grotte)).
Arrive ensuite la seconde partie, la guerre à proprement parler (on est à pas loin d'une heure passée à filmer du vide, sans aucun propos ni recherche esthétique quelconque) :
Après une brève présentation d'un Sten 9mm par un instructeur, les réfugiés sont envoyés brutalement au front où ils se font décimer sous les obus (qui tombent sur les deux versants d'une montagne avec une précision incroyable) et les tirs venant d'ennemis embusqués que l'on aura pas le plaisir d'apercevoir.
L'occasion de constater un certain amateurisme technique de la part du réalisateur, et le caractère grotesque des situations et personnages qui n'hésitent pas à se tenir debout sur le champ de bataille (même le dernier des abrutis possède un instinct de survie qui l'enjoint à se baisser sous un tir de suppression), moyen pour Gitaï de souligner le manque de formation guerrière de ces nouveaux combattants.
Le film se clôt sur deux monologues : L'un d'un propriétaire terrien arabe qui jure qu'il se dressera toujours paisiblement face aux juifs en ses terres, se révoltant dans le travail, la persévérance au labeur, la poésie et la lutte pour la vie qu'ils ne sauront balayer (de mémoire c'est plus ou moins ça). Le second, d'un réfugié juif en état de choc qui clame avec hystérie le plaisir masochiste du peuple juif, le drame et la persécution faisant partie de son histoire et de son identité etc.
Dans les deux cas, les discours sont totalement creux et pathétiques, et résument en ce sens plutôt bien un film dont la seule vocation semble d'amener à ces deux monologues, servis par des personnages complètement caricaturaux (tous les personnages du film le sont plus ou moins).
Bref, la prochaine fois il serait bon de se contenter d'un pamphlet : la production en sera moins coûteuse, la lecture en sera moins longue et le propos sera tout aussi creux et abruptement introduit.