Tout droit venu d’Estonie, « Kertu », Grand Prix du Public au Festival d’Arras en 2013 a enfin trouvé un distributeur en France. Il aurait été regrettable de priver le public d’un tel film, immanquable, par sa fraicheur, son ton et son efficacité. En nous contant l’histoire de « Kertu », jeune femme un peu effacée, voire légèrement dérangée selon certains, Ilma Raag nous entraine dans un sombre et épouvantable drame qui se révèlera dès la mise au grand jour de sa liaison avec Villu, quadra en perdition, alcoolique et Don Juan d’infortune. L’action se passe sur l’île de Saaremaa, coincée entre Estonie et Suède, ce qui est loin d’être neutre dans l’histoire. En effet, le milieu insulaire, avec ses comportements exacerbés, renforce le huis clos humain (tous se connaissent) et chaque évènement redouble d’intensité dramatique, voire mélo dramatique. Mais là où le film ne pourrait être qu’une énième version d’un film social, il choisit comme épine dorsale de son récit, ponctuée en flash back, cette fameuse nuit passée entre Kertu et Villu qui a tout déclenché. Et dans toute cette hystérie qui saisit le village, elle apparaît comme un temps fort, une sorte d’état d’apesanteur poétique et enivrant et quelque part rassurant, où l’amour, la rédemption, la liberté ne sont pas de vains mots. Sensiblement mis en image, accompagnée d’une remarquable empreinte musicale, « Kertu » est un film vrai, sans artifice qui caresse l’âme et l’esprit où Ursula Ratasepp et Mait Malmsten brillent de tous feux par l’intensité de leur jeu. Un film humble donc, qui n’était pas un objectif en soi, mais auquel Raag est arrivé car il nous donne à vivre le sens réel des choses.