Final cut.
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[critique de l'ensemble des deux parties, considérées comme un seul film ; contient des spoils]
Quentin tarantino est certainement l'un des cinéastes les plus féministes actuellement. Entre Jackie Brown, le destin de Daisy Domergue et celui de Beatrix Kiddo, il offre des personnages féminins forts et dessine sa conception toute personnelle de l'égalité hommes-femmes, nous rappelant que les femmes peuvent être largement aussi meurtrières, idiotes, gavées de violences que les hommes. C'est peut-être là ce qu'ont gagné les femmes à leur juste combat pour l'égalité : être aussi connes que leurs collègues masculins.
Mais sûrement plus sournoises. Les meurtrières de Kill Bill sont de bons exemples de ces sournoises sadiques et vicelardes, depuis le flingue caché dans le paquet de céréales jusqu'au serpent mortel en passant par le manriki gusari de Gogo Machine. Cruauté, vice et souffrances diverses et variées, nous voilà dans un monde certes essentiellement féminin mais livré à un déferlement de violence rare et inouï.
De la violence, les deux volumes nous en livrent une quantité incroyable. De la violence esthétisée, référencée, remplie de clins d’œil, de la violence rendue agréable, loin de celle, horrible, insupportable, d'un Peckinpah. Ici, le jeu des images peu réalistes, des musiques parfois décalées, du jeu des comédiens, tout est fait pour transformer cette violence en un spectacle rouge sang.
Le premier volume n'est quasiment constitué que d'une succession de scènes violentes. Mais par sa narration écalée, par ses changements de style, par sa folie de fanboy, Tarantino parvient à éviter l'ennui et la répétition. Mélange de western, de film noir et surtout de films d'arts martiaux, Kill Bill est une épopée funèbre jouissive et doucement mélancolique (le second volume apparaît vite plus dramatique, avec une fin très ambiguë).
Bien entendu, c'est le Tarantino cinéphile qui se fait ici plaisir, nous livrant le film qu'il aurait aimé voir : un hommage incroyable aux films d'arts martiaux asiatiques, que ce soit du kung fu chinois ou du chanbara japonais. Et on a droit à toutes les scènes nécessaires à ce type de films : le mythique fabricant de sabres, le vieux sage millénaire et le douloureux apprentissage des lois du kung fu, le duel dans le jardin zen enneigé, le combat au sabre contre une horde de tueurs masqués, le geste meurtrier inconnu, tout y est, jusqu'à la flute de bambou, avec les mouvements de caméra idoines, les costumes, les maquillages, et les monumentaux sourcils blanchis par la sagesse infinie.
Et le gros rouge qui tache, également. Le sang gicle de partout, les bras tombent, les membres parsèment le sol et l'hémoglobine les murs. On ne fait pas dans la subtilité, on fait dans le plaisir jouissif. Car c'est vraiment ce qui semble guider le cinéaste : se faire plaisir, et nous faire plaisir. Plaisir certes sadique et coupable, mais qui n'a pas pris son pied en voyant Buck se faire éclater la tronche à coups de porte ?
Faisant fi de tout réalisme et avec son habitude d'éclater le récit en différentes parties présentées en dépit de la moindre chronologie, Tarantino dépasse largement le simple récit de vengeance et transforme son film en une épopée moderne, ponctuée de combats gigantesques ("gargantuesques") contre des monstres, de plongée en enfer, de voyages mystérieux, d'armées infernales et de renaissances répétées.
Faisant de Beatrix une sorte d'Ulysse vengeresse massacrant les prétendants, le cinéaste nous livre un véritable chef d’œuvre, un film qui sait garder son unité malgré les différences de style de chaque chapitre, avec (comme d'habitude) une bande-son exceptionnelle, et avec un casting impeccable. Tarantino sait aussi teinter son récit d'une tristesse subtile mais que l'on sent infinie.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les scènes qui justifient de revoir sans cesse le film, même si on le connaît par cœur, parce que là, vraiment, c'est incroyable !
Créée
le 17 janv. 2016
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5 commentaires
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