L’une des choses les plus dérangeantes dans ce film de Scorsese est le fait que peu des comportements ignobles humains restent dans l’ombre. C’est l’histoire d’hommes qui ont traité le meurtre de manière presque banale, donnant l’ordre de tuer des gens sur commande.
Scorsese marche sur cette fine ligne entre raconter l’histoire très spécifique d’un couple au cœur d’une tragédie et commenter la nature plus vaste du mal.
Killers of the Flower Moon n’est peut-être pas un film de gangsters traditionnel, mais il s’inscrit parfaitement dans la lignée des histoires d’hommes corrompus et violents que Scorsese explore depuis un demi-siècle. Et pourtant, on sent ici une certaine vieillesse dans l’œuvre de Scorsese, le sentiment qu’il utilise cette horrible histoire vraie pour interroger comment nous en sommes arrivés là cent ans plus tard. Comment avons-nous permis au sang de fertiliser le sol de ce pays que sont les Etats-Unis ? Ce film ne présente pas seulement l’injustice, mais révèle à quel point elle a été intrinsèque à la formation de la richesse et de l’inégalité aux Etats-Unis. Il regorge de commentaires sur la façon dont cette violence nonchalante contre des personnes considérées comme inférieures a imprégné un siècle d’horreur. Les références au massacre de Tulsa et au Ku Klux Klan ne sont pas anodines. Elles font partie d'un tableau plus vaste : celui de personnes qui soumettent les autres parce que c'est si facile pour elles de le faire.
La photographie du film est vaste lorsqu'il s'agit de capturer le vaste territoire de la nation Osage, mais peut aussi être intense avec un gros plan qui fait transpirer. La musique vibre comme un personnage, donnant au film un battement de cœur qui ajoute de la tension à sa durée remarquable. Cette histoire n'aurait pas eu le même élan avec une musique traditionnelle et classique. Enfin, la réalisation est remarquable nous faisant avancer à travers l'histoire violente de cette nation US sans jamais perdre le fil de cette saga complexe.
Il y a des moments où l’on a l’impression que « Killers of the Flower Moon » pourrait se transformer en une déclaration politique plus large, mais les performances, en particulier celle de Gladstone, maintiennent le film dans la vérité des personnages. L’ensemble comprend cet élément, jouant la réalité de la situation au lieu de la traiter comme une leçon d’histoire.
Au final, « Killers of the Flower Moon » est comme un puzzle : chaque pièce créative contribue à former l'image complète. Une fois le puzzle assemblé, il est très difficile de constater les dégâts. Qu'aurions nous fait à leur place? Comment éviter que ces drames se reproduisent? Comment protéger les personnes innocentes de gens brutaux commandées uniquement par l'appât du gain? Scorsese a peut-être vieillie mais il n'a pas son pareil pour donner un coup de pied dans la fourmilière.