Bonne nouvelle : le "King Kong" de Peter Jackson vieillit bien, autant grâce à ses effets spéciaux relativement "invisibles" (sauf pour la scène maladroite du "stampede" de diplodocus, avec un empilement final qui rappelle celui des éléphants dans "Dumbo" !) qu'à cause de l'attention qui est portée avant tout au récit et aux personnages, tous impeccablement interprétés par une troupe d'acteurs "hauts de gamme", dans leur riche ambigüité, loin des clichés habituels des blockbusters hollywoodiens.
La première heure, classique, s'avère magistrale, grâce à une construction impeccable de personnages singuliers, bien ancrés dans une époque - celle de la grande dépression - passionnante : elle montre combien Peter Jackson, débarrassé du carcan d'un texte à respecter comme celui du "Seigneur des Anneaux" était devenu un bon metteur en scène. La seconde partie, parfois époustouflante (la découverte de Skull Island, d'une folle violence barbare), sacrifie plus aux règles du cinéma-montagnes russes qui est devenu la règle à Hollywood, mais offre plusieurs scènes d'anthologie, comme le combat de Kong contre trois T-rex à la fois. C'est, paradoxalement, la troisième partie, celle qui se veut légendaire (King Kong sur l'Empire State Building, soit LA scène, LA raison pour laquelle Peter Jackson a voulu faire ce remake insensé), qui déçoit un peu, sans doute parce qu'elle ne surprend pas autant que tout ce qui a précédé...
On se rend compte, après coup, de tout ce que cette version de "King Kong" doit au rêve d'un seul homme, Peter Jackson, et à son ambition de faire le film dont il rêvait quand il était enfant : il a compris qu'on ne doit pas trahir ses propres rêves - à la différence du metteur en scène / alter ego au centre du film (d'ailleurs remarquablement incarné par un Jack Black qui a rarement été aussi bon qu'ici)… Ne serait-ce que pour cela, on lui pardonnera bien volonté une certaine lourdeur, une tendance à l'emphase, qui est sans doute inévitable compte-tenu des enjeux financiers autant qu'émotionnels.
[Critique réécrite en 2021, à partir de notes prises en 2005 et 2009]