Ripeness is all
Alerte : curiosité cinématographique. Godard adapte le Roi Lear de Shakespeare, sans jamais avoir lu la pièce. Le casting : Woody Allen, Leos Carax, Burgess Meredith, Godard lui-même. C'est pour ce...
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le 8 déc. 2021
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Alerte : curiosité cinématographique. Godard adapte le Roi Lear de Shakespeare, sans jamais avoir lu la pièce. Le casting : Woody Allen, Leos Carax, Burgess Meredith, Godard lui-même. C'est pour ce genre d'aberration que je suis heureux d'être en vie.
Petite mise en bouche : lors de ses débuts dans l'industrie du cinéma, Tarantino avait mis sur son CV qu'il avait été acteur pour ce film, car il savait que personne ne l'avait vu. Profitez-en tant qu'il est en ligne gratuitement sur Youtube (https://www.youtube.com/watch?v=nzxW-vR3C8o) car c'est apparemment une vraie rareté, sortie quasi nulle-part à l'époque.
Le film s'ouvre donc sur les conversations (privées) de Godard avec ses producteurs autour de l'avancement du film. Ce genre de troll cosmique quand on sait que le lien entre les deux partis a été très compliqué (je vous invite à lire cet excellent article qui rend compte des dingueries absolues qui ont eu lieu autour de ce projet : https://www.cinematheque.fr/article/1609.html J'en citerais quelques unes dans cet avis) : la couleur est annoncée.
Le métrage dispose d'une qualité VHS absolument immonde tout du long, j'ai cru comprendre que dans cette période de son cinéma, Jean-Luc aimait recourir à des techniques de capture vidéo volontairement datées pour obtenir ce genre de rendu… particulier. J'ai lu également que le film avait été prévu pour du 4/3, et qu'on l'a remis en 16/9 sans l'accord du réal… ok, bon ça fait toujours un peu plus de destruction visuelle supplémentaire.
Niveau narration, on est sur du Godard post - La chinoise, donc quelque chose de décousu, basé sur le ressenti, avec de nombreuses références à la peinture (assez jolies d'ailleurs, peut être le mieux du film pour moi), des bruits de mouettes rajoutés en post-prod (j'ai vu que ça faisait péter un câble à certains, et j'avoue que c'est assez drôle une fois qu'on l'a remarqué), de l'ASMR, de l'humour et en même temps des réflexions typique de son cinéma, autour de la création artistique notamment… J'ai la mauvaise impression que l'anglais a diminué l'impact de certaines, qui paraissent parfois un peu ridicules, heureusement certaines grosses punchlines viendront sauver la mise du genre "Do you need to say red to see red ?" ou "I know when one is dead when one lives"... Après j'imagine que c'est le lot de cette période du cinéma de l'auteur, tout n'est pas à interpréter.
Mais là encore plus que dans La Chinoise ou Week-end par exemple, on a un projet tellement bordélique… Concrètement on a une volonté de pseudo intrigue, avec le fils Shakespeare qui veut recréer l'œuvre de son père, et le Don Learo qui a des problèmes avec sa fille (c'est tout ce que vous retrouverez de """"""""""""" l'œuvre adaptée """""""""""""). Mais Godard a également voulu mettre un côté film-réalité en mettant des extraits vidéos de ses producteurs et de ses acteurs hors de leur rôle, un personnage plus humoristique qui est le sien (Le professeur Pluggy), des caméos de figures connues (dont Woody Allen est le seul rescapé, qui a donné 10 000 $ à JL pour que son nom ne soit pas dans le film… ok … mais d'autres comme Orson Welles, Bergman et même putain de Richard Nixon MAIS QUOI !), mais quelle était vraiment la volonté de Godard ?
Plus je réfléchis à ce film et plus je deviens fou, car je commence à comprendre des aspects du métrage… on a donné de la thune à Godard pour un film autour de l'Angleterre, ou du moins de la langue anglaise, il est parti dans un délire ultra libre typique de cette période de son cinéma pour faire un projet qui part dans tous les sens… Le tout avec des moyens assez vénères et l'absence de direction totale qu'on lui avait laissé…
Et ce qu'on obtient au final… Un métrage ultra atmosphérique, qui dégage quelque chose d'à la fois beaucoup trop ambitieux avec ces réflexions alambiquées, ces morceaux de films qui vont dans tous les sens sans vraiment savoir où donner de la tête, et à la fois quelque chose de profondément humain et libre avec ces acteurs qui semblent s'amuser (pour ceux qui ne se font pas troller, comme Allen qui encore une fois a été accueilli par JLG en pyjama quoi. Lisez l'article il y a de quoi s'arracher les cheveux.) et ce réalisateur qui prend un malin plaisir à annihiler les codes habituels de son média, et à ridiculiser les systèmes de productions en finançant son gros bordel en anglais qui lui fait plaisir.
En bref… si vous voulez vous intéresser à cette période du cinéma de Godard, je crois que vous pouvez vous pencher sur King Lear… si vous parlez anglais bien sûr puisque aucuns sous-titres ne sont disponibles (faudrait faire une VOSTFR amateure franchement). C'est un objet cinématographique absolument dingue, surtout quand on a conscience de la production qu'il y a eu derrière et qu'on voit au final le résultat accompli. Imaginer ce qui s'est passé entre les deux… c'est peut être ça le cœur de l'expérience au final.
J'étais pas prêt pour ce King Lear. Godard qui me pète dessus, et qui meurt avant la fin du film. Woody Allen qui a fait le déplacement pour se faire accueillir par un réalisateur en peignoir et qui garde 2 minutes de plans dans le projet final.
Les encarts de textes du genre "No Thing" non mais littéralement "Rien" quoi.
Les ASMR et les mouettes qui trollent l'audio toutes les 5 minutes.
Godard qui demande à son producteur de rouler une pelle à sa fille pour le film (tout est dit niveau foutage de gueule).
Et bordel mais où est Leos Carax ? Je l'ai pas reconnu et j'étais chaud de voir son acting pour le coup.
Avec ce film, on voit que Godard a vraiment réussi son coup quand il disait "Fin de cinéma".
Créée
le 8 déc. 2021
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