Critique, bande-annonce et photos: http://branchesculture.com/2016/11/30/king-of-the-belgians-film-culte-cinema/


Toujours aussi incroyables de folie, les inséparables Peter Brosens et Jessica Woodworth ont encore frappé. Cette fois, les deux réalisateurs multiprimés n'hésitent pas à bousculer le Roi en personne. Et quel Roi ! Nicolas III, le silencieux, le grognon, le petit souverain belge si isolé des préoccupations de ses sujets. Poussé dans ses retranchements (ou peut-être est-ce pour être en contact avec son immense désir de liberté ?), ce King of the Belgians va se retrouver bien malgré lui dans une aventure pittoresque frôlant le conflit diplomatique. Surréaliste, barge et inclassable. Belge, quoi.


La routine ! Encore une journée de routine, une de plus dans un règne qui ne semble n'avoir souffert d'aucun remous. Nicolas III (Peter Van den Begin, pas si loin du Jacques de Xavier Diskeuve) est là tout en n'étant pas là, perdu, ailleurs. Une attitude protocolaire tout au plus, car l'heure est importante et la visite d'état qui l'amène en Turquie risque bien de compter dans l'adhésion du pays à l'Union Européenne. En attendant, quel ennui. Il faut dire que la prestance un brin asociale de Sa Majesté tranche avec la frénésie générale de son équipe : le chef de protocole Ludovic Moreau (Bruno Georis) qui ne laisse rien au hasard, l'attachée de communication stressée et stressante Louise Vancraeyenest (Lucie Debay) et puis le valet Carlos De Vos (Titus De Voogdt) qui ne croit pas en la monarchie et dont Nicolas III est finalement le plus proche, car il ne s'encombre pas de cérémonial et est direct.


Le quatuor aurait pu se suffire à lui-même, mais un cinquième larron vient semer la pagaille avec son matériel de cinéaste minimaliste. En effet, l'Anglais Duncan Lloyd (Pieter van der Houwen avec la voix de John Boyle), ancien correspondant de guerre passé en seconde zone à force d'alcool et de fantômes, débrouillard et aventurier sur les bords, a été engagé pour réaliser un portrait du Roi. Un homme qui tombe à pic et qui va pouvoir saisir tout de l'abracadabrante aventure qui attend le Sire. Et il n'est plus question de suivre le script.


Car si le programme de la visite royale semble sans accroc, c'est sans compter l'imbroglio et le concours de circonstances qui vont surgir à tout moment. À la une, la Wallonie vient de déclarer son indépendance. À la deux, le Palais est injoignable. Et à la trois, une perturbation cosmique se la joue en mode "Eyjafjallajökull" et suspend tout vol de retour (et même d'urgence) en Belgique. C'est la panique générale, Nicolas III et son équipe sont piégés en Turquie mais tout est en place pour plonger tête la première dans un périple à peine croyable à travers les Balkans. Encore faut-il sortir de Turquie, et Duncan a bien sa petite idée pour y parvenir : le bus d'un girls-band de folk de l'est. Pour la fine équipe royale, il s'agit de se déguiser comme il se doit en costumes ridicules. Oui oui, même le Roi.


Et le chef du protocole d’assurer : "Je ne prendrai pas la responsabilité de cette farce". Qu'il s'y tienne alors parce qu'elle ne fait que commencer, prise en tenaille entre un effrayant chef de sécurité turc, un tireur d'élite serbe à caresser dans le sens du poil, un concours de dégustation de yoghourts, des taxis-tracteurs et une Miss Serbie devenue garde-frontière. Sans oublier les tortues sur la route et les soûleries à la "rajika".


Complètement à leur affaire (comme souvent), Peter Brosens et Jessica Woodworth trouvent en cet anti-Bye bye Belgium, un sujet de choix et de choc permettant toutes les fantaisies dans un chemin initiatique qui ne se prend pas au sérieux. Quoique... Désacralisant la fonction du monarque sur fond de "Tu seras un homme, mon Roi", les deux réalisateurs dessinent le portrait d'un homme désincarné par sa fonction et pourtant si épris de liberté, une fois délivré du protocole et des astreintes du Premier Ministre. Et c'est tout un festival de personnages qui accompagne ce road-trip improbable et fantaisiste prônant le retour à l'incontrôlable et questionnant la vraie nature de la liberté, loin des technologies et avec seulement "le ciel pour regarder" cette drôle de troupe.


Multiculturel et polyglotte, servi par des acteurs au diapason et prouvant que la frontière linguistique n'est qu'une invention politique, King of the Belgians est aussi farfelu que riche, bouillonnant de créativité et développant mine de rien quelques thématiques loin d'être aussi surréalistes que l'ambiance générale du film: la question des migrants dont le cortège royal adopte finalement le parcours balkanique, les limites de la caméra et du documentaire... Brosens et Woodworth font mouche à tous les coups, on rit beaucoup et on se dit souvent "Mais où vont-ils donc bien s'arrêter" dans cette ode unique et barrée à une certaine belgitude loin d'avoir disparu. La preuve !

Créée

le 30 nov. 2016

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