Kingdom of Heaven par takezo
Balian rejoint Jerusalem en homme rempli de larmes, fuyant sa douleur, mais ne se découvre pas une âme d'idéaliste sur place. Il reste le même, c'est à dire un homme de souche noble mais qui travaille de ses mains. Il utilise ses aptitudes pratiques pour se reconstruire par le travail...ailleurs. C'est un homme de principes, pragmatique, qualités appréciées par le roi entouré de comploteurs, d'arrivistes cyniques et de fondamentalistes religieux.
Le film est formellement superbe, et chaque personnage magnifiquement caractérisé. Je trouve que Scott évite les clichés et les pièges de son sujet pour donner une épaisseur à chacune des pièces que compose l'échiquier. Même une ordure sanguinaire comme Reynald parvient à sortir des ornières du genre. Dingue mais lucide sur sa condition.
Voir la scène courte et puissante, ou après un massacre de plus, il pense tout haut, en barbare mélancolique et faisant face à la soeur de Saladin, d'un geste, lui arrache son voile, scellant définitivement son sort.
Et, plus qu'un reflet des conflits moyen-orientaux modernes, j'y ai vu une belle allégorie sur le colonialisme. Voir la réplique de Balian à la fin :
- Richard Coeur de Lion: We come along this road to find Balian of Ibelin, who defended Jerusalem against the Saracens.
- Balian of Ibelin: I am a blacksmith
- Richard Coeur de Lion: And I am the king of England
- Balian of Ibelin: I am a blacksmith.
Forgeron en France, héros de Jerusalem en terre sainte. Pour tout croisé, le moteur religieux (occuper les lieux saints du christianisme et en chasser les infidèles) n'est qu'un prétexte moral qui cache souvent des ambitions personnelles moins avouables. Pour Balian, il s'agit de démarrer une nouvelle vie. Pour d'autres, c'est surtout l'occasion d'acceder à un statut social plus enviable.