Quand un opus déboule dans le terrain ultra formaté du blockbuster et y fait surgir une identité singulière, la véritable originalité consisterait à en faire un one shot.
Mais comment résister ? Kingsman était enlevé, d’une violence graphique revigorante, souvent drôle et émaillé de quelques scènes aussi culotées que mémorables : difficile de ne pas vouloir prolonger l’univers, au risque, bien entendu, d’éventer les concepts.
Tout est question de dosage. Le premier volet ayant joué la carte franche de la surenchère, il semble un peu malhonnête de reprocher à son successeur de sombrer dans le n’importe quoi et le boursouflé… ce qui est pourtant bien évidemment le cas. L’effet de surprise est passé, il faut mettre à mal la structure établie (on fait donc tout sauter) tout en reprenant ses morceaux de bravoure : de la baston ultra-chorégraphiée, une alliance entre le raffinement British bondien et le white trash, et des cascades numériques à l’échelle planétaire.
Le Cerle d’or ne rate pas tout, et retrouve çà et là l’énergie singulière qu’avait déployée son illustre ainé : des gunfights dans la neige, un parapluie qui cède la place à un lasso et un fouet yankee, et un massacre en règle sous l’égide d’un Elton John dans un tel exercice de roue libre qu’on a du mal à savoir s’il faut en rire ou en pleurer : c’est soigné et brutal à la fois, et le travail formel est reconnu, comme ces transitions entre les séquences aussi soignées que les costumes de l’élite de sa Majesté.
Mais tout ceci s’enlise dans un ensemble sacrément indigeste. La durée du film n’est pas justifiée (et fait sacrément peur lorsqu’on entend le réalisateur expliquer qu’il a dû couper 1h20 de son film, façon d’attirer probablement les fans vers une version extended en vidéo…), l’intrigue banale au possible et la faiblesse d’écriture des nouveaux personnages assez patente : les comédiens US font plus de la figuration qu’autre chose, et n’apportent absolument rien.
Plus gênant, le personnage de Colin Firth, tombe sous le coup d’une laborieusement tentative de justification quant à son retour à la vie, qui l’empêche presque continuellement d’exercer tout ce qui faisait son charme. L’humour tombe souvent à plat, et on aurait pu imaginer bien plus d’étincelles sur les rencontres entre les cultures britanniques et américaines. Si l’exposition de la base secrète de la méchante Julian Moore (qui visiblement s’éclate dans un tel rôle) suscite un peu d’intérêt et d’originalité, la vie privée d’Eggsy n’intéresse personne, et encore moins l’intimité dans laquelle il va devoir loger une puce GPS dans une séquence assez vulgairement ratée.
On peut donc gesticuler beaucoup, et imaginer des chiens robots dotés de crocs cruciformes, une pseudo morale finalement assez puritaine (la drogue, c’est mal, mais tuer les drogués, c’est pas bien non plus, donc avis aux drogués sauvés, rentrez dans le rang) et des téléphériques en mode bobsleigh, il manquera toujours ce petit supplément de charme qui fait qu’on passe du divertissement au plaisir.
Matthew Vaughn rejoint donc de façon tristement prévisible le Baby Driver de Wright : sûr de ses effets, ostentatoire dans sa maitrise, il pense pouvoir à peu près tout se permettre en terme d’écriture, et nous gratifie de transitions paresseuses entre des sommets qui s’annulent les uns après les autres.