Alors que le QG des Kingsman vient d’être détruit, les deux derniers agents encore en vie (Taron Egerton et Mark Strong) doivent faire appel en urgence à leurs cousins américains, les Statesman. En effet, une nouvelle menace vient d’apparaître à l’échelle mondiale en la personne de Poppy Adams (Julianne Moore) qui, non contente d’avoir kidnappé Elton John (joué par lui-même, dans un sommet d’autodérision absolument craquant), empoisonne tous les consommateurs de drogue du monde, ne promettant de les soigner que si la drogue est légalisée. Une décision que le président des Etats-Unis (génial Bruce Greenwood, troisième fois président des Etats-Unis à l'écran après Treize jours et Benjamin Gates et le livre des secrets) n’est pas prêt de remettre en cause, ne voyant pas d’inconvénient à se débarrasser d’un coup de tous ceux qui ont enfreint la loi… Les Kingsman et les Statesman vont donc devoir agir dans l’ombre, et rapidement.
On était en droit de craindre beaucoup de cette suite de l’excellent Kingsman : Services secrets de Matthew Vaughn. Il y avait fort à parier que, comme dans Les Gardiens de la galaxie, Vol. 2, le sel du premier volet ne disparaisse sous la surenchère qui s’annonçait à cor et à cri.
Or, si la surenchère est bien de mise (mais de manière totalement assumée), c’est avec une admiration sans bornes que l’on constate que non seulement, Vaughn n’a rien perdu de son mordant, mais qu’en plus, il arrive à se renouveler sans aucun problème. A l’image de la scène du bar, que Vaughn revisite de manière particulièrement efficace juste après nous avoir fait croire qu’il allait la répéter point par point, toute redite est en effet brillamment bannie du film, sans que jamais l’humour n’en pâtisse. Car en effet, dans la grande lignée du courant joyeusement ouvert par les Pirates des Caraïbes de Verbinski, Vaughn a compris qu’une comédie d’action n’était pas simplement un film avec de l’humour et de l’action, mais bel et bien un film avec de l’humour au cœur même de l’action, l'un étant constitutif de l'autre.
C’est ainsi que l’on se retrouve avec des scènes ultra-musclées (dont la première commence moins d’une minute après le début du film) et souvent hilarantes, où Vaughn fait encore une fois preuve de toute l’étendue de son talent de metteur en scène, sans oublier de nous resservir un nouveau plan-séquence, moment de la saga qu'on peut désormais qualifier d'incontournable. En cela, il y a largement de quoi être satisfait de constater à quel point Vaughn a coiffé au poteau son ami Guy Ritchie, qui s’est enlisé la même année dans les méandres de son catastrophique Roi Arthur, désastre de mise en scène…
Mais le plus beau, c’est que derrière le délire joyeusement sanglant, Matthew Vaughn n'en oublie pas le pamphlet politique et social qui fait partie de l'identité de sa saga naissante, et en profite pour sérieusement égratigner l’image des Etats-Unis en dénonçant l’hypocrisie consommée de leur politique, de manière guère subtile mais terriblement jouissive, grâce à un Bruce Greenwood dont on n’avait jamais soupçonné le talent comique.
De même, après s’être attaqué à la société de consommation dans son premier épisode et tâclé allègrement le cinéma contemporain (la violence vue comme un objet de consommation, diffusée à travers les portables), Vaughn dénonce maintenant une société fondée sur la loi du plus fort - le cadre de la jungle n'ayant sans doute pas été choisi au hasard -, où l’on ne survit qu’en dévorant son adversaire (ici au sens littéral) et en sacrifiant des millions de vies humaines pour rester au sommet de l’échelle. Une critique sociale sans concession, donc, bien plus profonde qu'elle peut en avoir l'air de prime abord, et d’autant plus sympathique qu’elle sait rester au second plan…
Cela n'empêche d'ailleurs pas Matthew Vaughn d'étoffer ses personnages, mais de manière étonnamment subtile et discrète, avec tout le flegme et la classe britannique qu'on lui connaît, se contentant de légères touches successives ici ou là qui n'alourdissent pas l'intrigue et nous évitent les habituels excès de pathos qui envahissent trop de nos blockbusters contemporains.
En outre, à travers les moments de bravoure survitaminés et délirants de son film aux chorégraphies incroyablement millimétrées, Matthew Vaughn n’oublie jamais de rendre son hommage cinéphile aux vieux films de la saga James Bond (les Alpes et la jungle asiatique, deux lieux de prédilection de notre espion préféré), nous offrant exactement le divertissement léger, élégant et plein de second degré que l’immortelle saga nous proposait à ses débuts. On pourrait voir débarquer Sean Connery jeune pour se battre aux côtés de Colin Firth que ça ne nous étonnerait guère...
En tous cas, s’il y a une chose que Kingsman ne craint pas, c’est le formatage, préférant briser allègrement les codes du blockbuster contemporain pour nous offrir un délire bourré d’autodérision assumée, qui ne recule pas toujours devant la vulgarité et le mauvais goût, mais qui ne perd jamais la classe toute britannique qui lui garantit son identité. Alors oui, avec la réussite de ce deuxième volet, on peut bel et bien crier : James Bond est (presque) mort, vive Kingsman !