Humour trash

Depuis le début du XXème siècle, une agence de renseignements indépendante règle discrètement les problèmes du monde. Composée d’aristocrates, elle embauche régulièrement en fonction de ses pertes. Lorsque Eggsy, le fils d’un des agents mort au combat, demande de l’aide à cette agence pour sortir de prison, il ignore qu’il devra participer à un recrutement particulier.

Kingsman : Services secrets est l’adaptation d’un comics qui parodie les films d’espionnage et qui se veut humoristique. En effet, son réalisateur Matthew Vaughn apprécie les comédies ainsi que les histoires de bandits et de services secrets. Mais il y a dans ses réalisations de petites touches sombres qui, à mesure qu’il gagne en expérience, changent la nature de ses œuvres. Je m’explique.

L’histoire de ce premier Kingsman est techniquement un drame. Eggsy est orphelin, pauvre et il subit une jeunesse plutôt sordide entre sa mère dépressive et son beau-père petit caïd de banlieue. La seule figure paternelle qu’il trouve décédera, la trahison est partout et surtout, il est continuellement rejeté à cause de ses origines ou de ses échecs. C’est pas joyeux pour une comédie.

Par ailleurs, c’est une pure Mary Sue. Avec de tels bagages et surtout une enfance pareille, Eggsy devrait être bien plus nerveux, violent, voire paranoïaque, ou bien complètement veule. Il est pourtant intelligent, plein de bon sens et de moralité, voire même cool. Dans les situations de crise, il réfléchit vite et juste tout en faisant preuve d’un sang-froid parfois inhumain. Cela aurait été acceptable si la parodie avait poussé jusqu’à l’absurde. Là, c’est juste un superhéros.

L’autre aspect dérangeant de l’histoire est son côté gore. Matthew Vaughn aime la tripe (on en avait eu une petite idée dans certains détails de Star dust et il l’a confirmé avec Kick-Ass). Il nous inflige ici des boyaux à longueur d’images, en particulier dans le massacre de l’église qui est très long (5 min chrono). C’est d’autant plus surprenant que cet étalage de sang n’apporte aucun humour. Au contraire, il exclut ce film d’une comédie bon enfant. Kingsman : Services secrets se rapprocherait plutôt d’un film d’aventure produit par Netflix pour le gore, le sexe en moins. En effet, aucune romance ne vient améliorer le scénario (alors que le personnage de Roxy aurait été plus que bienvenue dans ce rôle).

Niveau acteur, Taron Egerton s’en sort plutôt bien à côté de ses aînés : le charismatique Mark Strong, sous-employé à mon sens en le cantonnant dans son rôle de M, le grand Michael Caine, très crédible en méchant ou l’excellent Colin Firth. À noter également la trop brève présence de Luke Skywalker.

Par ailleurs, ce qui est remarquable dans cette œuvre est la virulente attaque contre les milliardaires férus de technologie et adeptes de la dépopulation. Kingsman : Services secrets est sortie en 2014, soit 4 ans après les déclarations de Bill Gate. 10 ans plus tard et avec l’expérience des années covid, chacun peut mesurer à quel point la réalité s’approche de la fiction ; ce ne sera d’ailleurs pas la première fois qu’un artiste devient visionnaire à son insu. En tout cas, les points communs entre l’ancien président de Microsoft et Valentine sont trop nombreux pour être une coïncidence.

Kingsman : Services secrets est un film d’action gore qui joue mollement la carte de l’humour. La noblesse dont il vante les mérites est parfaitement absente de cette œuvre brutale et dépourvue de finesse. C’est rigolo, c’est prenant, mais c’est sale. À voir donc comme défouloir, pour une soirée entre potes, ou comme un étrange reflet de notre réalité.