Quand Mark Millar et Matthew Vaughn filent un coup de vieux à James Bond...
Après Kick-Ass, le réalisateur Matthew Vaughn adapte à nouveau une bande-dessiné scénarisée par Mark Millar. Cet auteur n'avais jamais été, à mon sens, réellement bien adapté au cinéma. En effet, il est difficile d'adapter sur grand écran des oeuvres dont l'auteur a pour but de présenter des personnages et des histoires totalement anticonformistes, ou la provocation et la subversion sont la véritable ligne directrice, plus que l'histoire à proprement parler. En plus, cet anticonformisme passe généralement par des récits qui, adaptés au cinéma, nécessiteraient un budget particulièrement élevé. À cause de cela on avait eu droit, au mieux, à Kick-Ass premier du nom, correct, mais terriblement sage par rapport à la BD, et au pire, au lamentable Wanted, restant la plus mauvaise adaptation faite d'une bande-dessiné, allant jusqu'a faire un contresens totale par rapport à l'oeuvre d'origine. Ainsi, j'attendais Kingsman, mais avec une vraie appréhension, car tout en étant conscient des talents de metteur-en-scène et de l'intégrité artistique de Vaughn, j'avais une peur d'avoir un résultat (légèrement) formaté pour le grand public, ou tout serait pensé pour ne pas choquer, ne pas bousculer le spectateur...
Autant le dire tout de suite: Kingsman est excellent. Matthew Vaughn a signé ici son meilleur film, et c'est la première fois que l'on puisse ressentir, en partie, la personnalité de Mark Millar au scénario. Celui-ci ayant décidé de moderniser le style des vieux films d'espionnage, on a droit à un scénario qui se permet de réintégrer tous les codes et passages obligés du genre, narrant comment un jeune délinquant se retrouve formé à devenir un espion, pour ensuite se battre contre un génie du mal, en s'aidant évidemment d'une panoplie de gadget qui rendrait jaloux n'importe quel James Bond ou Jason Bourne.
Doté d'une mise en scène ultra-spectaculaire, d'un casting plus que nickel, et de chorégraphies particulièrement impressionnantes, Matthew Vaughn a donc livré un film fun, généreux, plutôt badass et qui se laisse regarder sans aucun déplaisir malgré un final un peu longuet, mais hélas, juste gentiment provocateur. Certes, on ressent Millar au scénario, et l'ironie qu'il a par rapport au genre participe au plaisir que l'on a devant le film, car toujours respectueuse, mais on ne peut pas s'empêcher de ressentir les impératifs des studios à toujours désamorcer, par de l'humour ou par un discours rassurant d'un des protagonistes, un élément du scénario qui pourrait être dérangeant pour le spectateur. Autant dire que pour la subversion, hormis une blague assez vénère et totalement inattendue sur les républicains, on repasseras...
Mais rien que pour voir Colin Firth défoncer des intégristes dans leurs églises, ou pour Samuel L. Jackson en génie du mal qui zozote, Kingsman est a voir. Reste plus qu'à attendre que le projet d'adaptation de Némésis, le chef-d'oeuvre de Mark Millar aux côtés de Wanted (la BD, je précise), par Joe Carnahan puisse voir le jour, en espérant que cette fois-ci, la vraie rage de ce scénariste sous-estimé se retrouve pleinement à l'écran, et non pas une version édulcorée comme on y a tout de même un peu droit ici...