Une ode au respect de la différence, mais une trame un peu décousue.
Tout le contenu de ma critique pourrait se résumer à mon titre, mais ce ne serait pas rendre hommage à ce très sympathique film d'animation. Surtout parce qu'il prend le contre-pied des canons du genre, avec un graphisme basique mais agréable, et une histoire qui sait vous surprendre à tous les niveaux.
Au premier regard, on a une oeuvre plutôt brute de décoffrage, car on rentre dans l'histoire avec une sobriété et une force peu commune. La trame est par exemple admirable dans la mesure où elle est fortement dépaysante et où elle vient surtout explorer intelligemment une mythologie boudée par les romanciers ou les scénaristes. Elle vous colle un regard empreint de justesse et de réalisme au fond du crâne, avec cette touche de fantaisie savamment dosée qui fait le lit des meilleures oeuvres de fictions.
Les personnages sont criants de vérités, surtout lorsqu'on regarde avec un oeil critique. En fait le personnage de Kirikou est aussi attachant que son univers est rude, puisqu'il a dans son attitude une noblesse et une éthique qui sent bon la tradition orale et la sagesse populaire. Il prend donc une dimension intemporelle et relativement universelle, quelle que soit l'opinion que vous aurez sur le film. Le réalisateur exploite donc une tradition qu'on ne retrouve plus forcément dans les histoires pour enfant, car il faut bien l'avouer, de notre côté de la Méditerranée, on a un peu fait le tour des contes de Grimm ou de Perrault. Du coup, beaucoup d'histoires s'arrondissent, alors que la version de Grimm ou de Perrault était beaucoup plus poignante que ça. Ça revient au même que de lire l'Iliade et l'Odyssée en version pléiade ou en version enfant. Toute violence a presque disparue. C'est un choix, qui est ici totalement assumé.
Malgré tout, le film a ses imperfections. L'histoire, bien que très poignante et originale, est un peu décousue à mon goût. On se paie quelques raccourcis un peu faciles, et une ou deux longueurs viennent briser le rythme de l'histoire, la rendant du coup un peu difficile d'accès pour le plus jeune public, même si on fait abstraction de la rudesse de certaines scènes.
Au niveau réalisation, je parlais des graphismes assez basiques. C'est bien animé et bien dessiné, je ne reviens pas dessus. En revanche les graphismes en 3D du village sont assez bâclés et trop plats, on obtient donc un décalage vraiment cinglant entre l'aspect mignon et un peu rustique des personnages ou des décors. Le côté rustique colle bien à l'histoire, mais les décors rendent le résultat franchement impersonnel et trop oppressant pour un enfant de moins de six ans. Surtout avec le côté mécanique des fétiches, qui deviennent vraiment trop flippants pour un jeune enfant.
En se plaçant du point de vue d'un adulte, je vois un amateurisme qui flirte plus avec un manque de moyen qu'avec de la précipitation. Le film était doté d'un budget de 3 800 000€, soit presque trois fois moins que “Ernest et Célestine“, par exemple. Il se voyait pourvu d'un budget de plus de 9 millions d'euros, pour info.
Au final, on a donc un film d'animation très rafraîchissant, doté d'une belle histoire, mais qui aurait gagné à étoffer sa trame et peut être à préférer des décors classiques plutôt que ceux réalisés par DAO. À déconseiller toutefois pour un public en dessous de six ou sept ans, faute de quoi vous aurez des cauchemars bien gratinés.