De Jérôme Salle, le grand public ne retient souvent que ses Largo Winch et L'Odyssée, son biopic du Commandant Cousteau, un peu trop déférent pour être totalement honnête.
Ce ne serait pas trop grave si la critique dite professionnelle, qui n'en a plus aujourd'hui que le nom et la carte de presse, prenait le même pli de l'amnésie sélective, alors même que Kompromat se rapproche bien plus des premiers efforts du réalisateur.
Il y aura donc, en 2022, la reprise du thriller en mode chasse à l'homme, dominé par une machination qui le dépasse, comme dans Anthony Zimmer.
Il y aura aussi l'arrière plan politique : russe aujourd'hui, sud africain hier, comme dans le formidable Zulu, sur fond d'apartheid.
Kompromat paraîtrait par ailleurs des plus rocambolesques si le réalisateur ne prévenait pas immédiatement son audience qu'il s'est librement inspirée d'une histoire vraie, bien plus longue et tragique.
Il s'agira donc de manipulation de la vérité et de fausses accusations lancées dans le but de se débarrasser d'un directeur de l'Alliance Française locale. Mais qui se cache derrière cette manipulation ?
Jérôme Salle orchestre pendant presque toute la durée de son oeuvre un jeu de cache cache haletant et maîtrisé, rythmé par la menace d'un FSB qui ne peut qu'avoir la gueule de l'emploi en matière de méchant de service.
Mais c'est peut être encore plus quand il se pose que Kompromat étincelle le plus : en effet, Jérôme Salle réussit alors à dessiner l'emprisonnement perpétuel de son personnage principal avec acuité, tout comme son isolement sans retour dans sa fuite. Et même quand il croit être sauvé, on ne lui offre qu'une cellule de fortune dont il est prié de ne jamais sortir. De quoi battre en brèche sévèrement, au passage, l'action de la diplomatie française, peu scrupuleuse, prête à sacrifier l'un de ses ressortissants sur l'autel de la préservation des relations franco-russes...
De quoi aussi, au passage, se remémorer certaines opérations incroyables d'exfiltration, comme celle racontée par Ben Affleck dans Argo et réfléchir en mesurant le gouffre séparant certaines doctrines.
Dommage cependant que Jérôme Salle choisisse de ne pas faire tenir jusqu'au bout son suspens concernant le pourquoi de la machination, tout comme il essaie de greffer une romance un poil mélo qui n'hésite pas à reproduire dans son paroxysme une scène tout droit tirée de Titanic.
Mais pas de quoi refroidir les ardeurs, cependant, Kompromat se montrant solide dans son exécution et dans le suspens qu'il installe et touchant dans le portrait des victimes collatérales qu'il charrie dans le sillage de son héros.
Behind_the_Mask, my tailor is tovarich.