Quand le quotidien nous absorbe, il est difficile d’imaginer que tout peut basculer en un instant, sans prévenir. Et pourtant, c’est l’histoire (partiellement) vraie que Jérôme Salle vient nous raconter avec Kompromat.
Vivant à Irkoutsk, aux confins de la Russie, Mathieu Roussel dirige l’Alliance Française et mène une vie somme toute normale, sans histoire. Très proche de sa fille, il est néanmoins en mauvais termes avec la mère de cette dernière, avec qui il semble être sur la voie de la séparation. Gagnant de l’influence, notamment auprès de puissants oligarques de la région, il va cependant rapidement déchanter lorsqu’il organisera la tenue d’un spectacle de danse très explicite mettant en scène deux hommes, chose inconcevable et intolérable aux yeux de de ces représentants d’une Russie très conservatrice.
En réalité, on ne saura jamais exactement pourquoi Mathieu recevra la visite des forces de l’ordre pour être incarcéré sans coup férir, mais là n’est pas vraiment le sujet que Kompromat cherche à développer. Plus que le départ et l’arrivée, c’est surtout le chemin qui va être raconté, avec ses embûches, les ennemis, les espoirs et les désillusions. Fragile et démuni face aux forces qui cherchent à lui nuire, Mathieu Roussel est campé par un Gilles Lellouche qui correspond parfaitement au rôle, élément essentiel tant Kompromat crée une véritable proximité entre le héros du film et le spectateur.
Ni le déroulé, ni la structure, ni la réalisation du film ne viendront bouleverser les codes du thriller. Cependant, ce manque d’originalité est compensé par une efficacité dans la narration et les choix de réalisation, pour que le spectateur soit suffisamment investi dans cette quête instinctive de liberté et cette lutte pour la survie. Le film ne s’appesantit jamais réellement, tout en faisant preuve d’une sobriété adaptée et juste. Les moments d’emballement interviendront notamment lorsque l’injustice se fera trop grande, surtout face à un ennemi dont la puissance silencieuse, implacable et machiavélique, semble grandement rappeler l’actualité.
Kompromat vient s’inscrire dans une certaine veine du thriller français, avec des films comme Boîte Noire, rappelant au spectateur français que notre cinéma national continue de faire vibrer et trembler, avec un sens du suspense ne tournant jamais à la grandiloquence. Sans devoir placer de trop grandes attentes en ce film, Kompromat est là où on l’attend : bien rythmé, bien interprété, et efficace.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art