Allez, on ne va pas se mentir, "Krampus", dernier long-métrage de Michael Dougherty est un film régressif dans le meilleur sens du terme. Résolument tourné vers les années 80, l'affiche renvoie au fameux "Vampire, vous avez dit vampire" ou "fright night" dans la langue de Shakespeare. Ce plaisir quasi fétichiste du poster est un peu comme la superbe promesse d'une étagère gavée de VHS aux jaquettes colorées dans un vidéo-club. En ligne de mire, le catalogue complet "Amblin" et ses sucreries acidulées, magnifiques représentants d'un cinéma aujourd'hui disparu. "Krampus"détient donc un héritage entre ses griffes de boogey-man mais aussi celui beaucoup plus rare du film de Noël.
Il est commun de nos jours, d'attribuer ce fameux héritage aux nouveaux réalisateurs se réclamant de tout un pan du cinéma. David Robert Mitchell cite Carpenter, JJ Abrams, Shyamalan et Nichols embrassent la cause Spielbergienne sauf que les méthodes de production et certains outils de réalisation ont changés. Difficile de trouver le charme des "Goonies" et de "E.T." dans "Super 8" ou de pleinement goûter à "Midnight Special" en gardant "Rencontre du troisième type" dans un coin de sa caboche. Non pas que ces films soient mauvais, bien au contraire, mais les capacités techniques actuelles rendent obsolètes le filtre magique apposé par ces productions du passé. Pourtant, l'un des atouts majeurs du "Réveil de la force" se situait dans sa propension à conserver l'ADN de la trilogie originale en bâtissant des décors réels et en amoindrissant les fonds verts. Ce pas effectué par un Abrams respectueux de son public va être complètement enterré par une proposition encore plus séduisante. "Krampus" est une relique du passé. Un artefact dont la rareté dans son exécution est renforcée par une distribution dans l'hexagone proche du zéro absolue. L'objet possède déjà toute la charge mythique de la momie "Toutankhamique" découverte par le spectateur avide de rareté et dont les derniers bastions projetant ce type de pelloche disparaissent lentement mais sûrement. Un charme d'autant plus grandissant lorsque l'on sait que le film a été réalisé pour 15 M de dollars et que les images de synthèse se comptent sur les doigts d'une main. Tapis rouge pour les SFX en latex, les zones d'ombre ajustées, les effets de plateau et autres animatroniques. Sans compter une production values estampillée Christmas avec ses rouges et verts flamboyants et sa moquette de neige profonde.
L'inventaire visuel et le genre de Krampus correctement analysés, la boussole mentale du cinéphile pointe vers le nord là où Burton a déposé ses plus beaux paquets sous le sapin (Batman Returns et son Nightmare before Christmas aidé de Selick) et où Joe Dante a immortalisé son superbe Gremlins. Si ce dernier est cité, il ne s'agit pas uniquement de l'affecte que l'on porte au réalisateur de "Hurlements" mais bien de sa peinture peu glorieuse de la famille américaine et du conservatisme figé dans les traditions issues de la religion chrétienne. Dougherty conscient ou non de coller aux basques de Dante ouvre son film sur une meute de parents et d'enfants se ruant dans un magasin de jouets en se filant des pains afin d'obtenir le joujou tant convoité. La société de consommation est soeur jumelle de la connerie. Première pièce du puzzle destructeur qui en contiendra des dizaines et qui (en)verra en dernière (et superbe !) bobine une bûche de Noel dans la gueule du spectateur en guise de non happy end.
Ce qui constituera la première couche critique de "Krampus" à domicile sera l'affrontement de deux familles largement inspirées par la représentation des deux parties uniques Américains. Les receveurs, d'une part, au couleur des démocrates propres sur eux, l'esprit large et une forte tendance au pardon et au traditionalisme. Les envahisseurs, d'autre part, caricature à peine voilée de la famille épaisse, envahissante, militariste et un tantinet antisémite. Une charentaise chez Obama VS un mocassin à pompon chez Bush et un doigt de pied chez Trump.
Parce que les divertissements acides tendent un miroir à leurs contemporains, Dougerthy s'empresse de peindre un voile noir sur sa comédie familiale et donne naissance à un père fouettar de deux mètres cinquante de haut. Un vrai caillou dans la chaussette pour les protagonistes et surtout un vrai défouloir pour le spectateur. "Krampus" est métaphoriquement la mutation monstrueuse de vies toutes faites et conditionnées par les habitudes, le matérialisme et les croyances. On aime à penser que tout cela ait un sens. Je vous laisse méditer là-dessus.