Krysar est sûrement l'arnaque la plus sublime qui soit, le film que tu sous-estimerais un peu parce que c'est un film d'animation, qu'Allociné le conseille à partir de 3 ans et qu'il fait référence à un conte ayant bercé ton enfance, à savoir le joueur de flûte de Hamelin. Avec tout ça, tu t'attends à une bouffée d'air frais et d'innocence. Qu'est-ce qu'on peut être naïfs...
Point de dessin traditionnel, point de pâte à modeler, ici les personnages et les décors sont en bois, une décision artistique qui donne un côté très old school au film, pourtant sorti en 1985. Cette pâte classique se retrouve à bien des égards dans la mise en scène proche de celle d'un muet, laissant place au visuel et à une musique si envoûtante. Le bois comme matériau a un autre avantage, qui sert très bien le propos du film : la sculpture prête aux décors et aux personnages des traits complètement horrifiques, contrastant avec la douceur des traits de la jeune fille par exemple. Tout cela est contrasté par des prises en vue réelle, grotesques au premier abord, mais qui prennent très rapidement tout leur sens, donnant aux menaces mortelles une réalité plus que concrète (et puis un vrai rat, ça fait toujours son petit effet).
Krysar, autant le film que le personnage, ne prend pas de gants. La ville où se passe le film est Sodome et Gomorrhe réuni, un endroit où la cupidité, la violence et la lubricité sont rois et où on n'hésite pas à faire couler le sang et à montrer des innocents mourir. On ne parle pas, on baragouine, quand on ne crache pas des pièces lors de virulentes scènes de négociations. Le personnage, quant à lui, est plus en demi-teintes : amoureux de la jeune fille, il ne cache pas pour autant sa part d'obscurité, et si son développement dans l'histoire est attendue et encouragée par les gentils spectateurs que nous sommes, il n'en reste pas moins menaçant.
Le conte d'origine était déjà bien sombre, mais Krysar délaisse la simple vengeance personnelle pour le châtiment des péchés de cette ville qui ne connaît aucune limite. C'est subtil mais suffisamment fort pour frapper l'adulte et traumatiser l'enfant, même celui à qui on a raconté l'histoire du joueur de flûte d'Hamelin. Et puis mince, c'est fichtrement bien fait !