Il me semble qu’avec Kwaidan, Masaki Kobayashi ait voulu avant tout réaliser un film pour les japonais. En reprenant quatre contes populaires, c’est un retour à la tradition que le cinéaste initie, renouant avec son folklore mais aussi son art. Chaque aspect de la culture nippone est ainsi représenté : récit oral, peinture, théâtre (dans les plans et le jeu, notamment), musique ou encore calligraphie, comme si le film tout entier était aussi un appel à l’élévation du cinéma au même rang. Formellement, c’est donc une œuvre magnifique, pas loin d’être parfaite, faisant appel à une scénographie fantastique et à des prises de vue expressionnistes pour plonger le spectateur dans une dimension étrange et étrangère. Il y a là véritablement quelques-unes des plus belles scènes que j’ai pu voir. C’est cependant sur la structure de ces histoires elles-mêmes qu’on pourrait décemment avoir quelques réticences. Au-delà de l’intérêt pour toute une conception artistique qui lui est inconnue, l’épure et l’approche qu’offrent ces sketchs peuvent rebuter le spectateur non familiarisé, voire même totalement le délaisser, s’éloignant ainsi des thématiques universelles qu’abordaient Harakiri et, surtout, la Condition de l’homme. C'est un rythme véritablement contemplatif que propose Kwaidan. Attention cependant à ne pas prendre ce terme galvaudé comme euphémisme d'ennui mais bel et bien une proposition résolument asiatique, "zen" pourrait-on raccourcir. Invitant simplement à s’abandonner, à admirer et, peut-être, à comprendre les fondations culturelles de l’archipel, Kwaidan est de ce point de vue probablement le film le plus exigeant de l’œuvre de son auteur.