Un film vraiment étonnant, segmenté en quatre histoires fantastiques: "Les cheveux Noirs", "La femme de la Neige", "Hoichi sans oreilles" et "Dans une tasse de Thé".
Si le film m'a plu, je dois avouer qu'il m'aura d'abord fait braire avec sa première histoire. Le rythme est VRAIMENT très lent.
Ce film m'a surtout permis de découvrir un style Japonais peu accessible, avec des jeux d'acteurs et des dialogues très typés pour un Occidental, mais aussi une durée peu commune de plus de trois heures.
Les acteurs surjouent en permanence, avec une gestuelle exagérée, des émotions marquées au fer rouge et surtout des dialogues d'un autre âge.
Les musiques, bruitages, prises de sons sont réduites à leur plus simple expression, et surprennent du coup par leur sobriété voir leur absence dans certains cas, à l'heure où aujourd'hui nous sommes plus dans l'excès et l'overdose.
Mais pour comprendre le film, il faut vraiment se replacer dans le contexte. Nous sommes en 1965, avec un sujet de film très ambitieux et un manque de moyens technique évident.
Les décors de "La femme de la Neige" et de "Hoichi sans Oreilles" en sont la parfaite illustration. Mais là où Masaki Kobayashi force le respect, c'est qu'il tire parti de ses acteurs, des moyens techniques, justement, pour mettre en place des histoires et des ambiances de très bonne facture.
Persévérer est vraiment une bonne idée, car le contenu, une fois passé le choc du décalage entre cette époque et la notre, est une petite merveille d'imagination et de photographie.
Voyons plus en détail :
"Les cheveux Noirs" débute et se déroule lentement. Très lentement : une séquence de trente minutes durant laquelle une narration monotone, des plans larges, une technique très très sobre et des décors épurés à l'extrême assomment littéralement le spectateur.
Le montage est plutôt brouillon, les dialogues et les personnages sont obséquieux et sans grande finesse.
La fin du film donne un soubresaut d'énergie sur les dix dernières minutes, mais la fin part un peu dans tous les sens. Pourtant l'idée du rebondissement final ne laisse pas indifférent.
Mais il s'agit du seul point noir, le reste en vaut la chandelle.
"La femme et la Neige" rentre déjà dans un cadre plus stylisé, et l'ambiance campée dès les premières minutes est excellente. On marque un temps d'arrêt sur les décors en carton pâte, il faut être honnête, mais on se laisse vite happer par le jeu des acteurs et l'ambiance.
La photographie est tout bonnement excellente, au vu des moyens disponibles à l'époque et surtout des choix de cadrages, jeux de lumières ou travellings utilisés.
Le visage de Yuki est flippant à souhait, et le jeu de l'actrice est très intéressant.
C'est dans ce film qu'on se fait aux dialogues et aux clichés fréquemment utilisés. On se fait au style de l'auteur et on en profite vraiment.
On peut regretter une fin un peu convenue, mais c'est pour chipoter.
"Hoichi sans Oreilles", résolument mon court métrage préféré. L'introduction très originale, avec des chants lyriques et du Biwa, saupoudré en plus de l'excellent jeu de Katsuo Nakamura, dans le rôle de Hoichi, m'a transporté.
Ces chants reviendront dans l'histoire, agrémentés de chants extraits du théâtre Nô, très reconnaissables et à la performance technique surprenante.
L'histoire est saisissante, pointue, rythmée et les visages des guerriers morts assez flippants. Les dialogues laissent apparaître le twist final comme un éléphant dans un corridor, mais il s'agit encore une fois du style de l'époque, donc c'est complètement pardonnable.
La photographie atteint ici sa meilleure performance. J'ai aussi été frappé par la plus grande subtilité de l'histoire et sa cohérence. Une très bonne découverte !
Enfin, "Dans une tasse de thé" offre ici une fin originale, tout en conservant les acquis des trois derniers courts métrages. L'histoire est intéressante et bien mise en scène. Le cadre est plus réaliste et l'ambiance également excellente.
Pour résumer, on a donc un excellent recueil d'histoires fantastiques, originales et bien réalisées, pour peu que l'on soit ouvert d'esprit et attentif à la date de sortie du film.