Si les quatre contes de ce splendide - et méconnu - "Kwaïdan" mettent en scène l’intrusion fantastique du monde des esprits dans celui des humains, il s’agit là d’un fantastique qui rôde et s’insinue peu à peu dans l’histoire et dans la vie "normale" des personnages, dissimulant donc le véritable propos de Kobayashi : illustrer la condition humaine, dans ses contradictions. A travers ces histoires d’amour et de mort, Kobayashi dresse en effet un tableau peu reluisant des défauts humains - lâcheté, ambition, égoïsme - tandis que, paradoxalement, il peut rendre touchantes les souffrances des esprits. Mais le véritable triomphe du film vient de la grâce exceptionnelle - véritablement irréelle - de la mise en scène (cadrages précis, mouvements de caméra fluides et harmonieux, absence de son "réel" substitué par une musique abstraite), et de la beauté saisissante de chacun des plans, presque tous surprenants : je pense particulièrement à la sublime utilisation des gigantesques décors peints, qui matérialisent littéralement la force et la beauté du film. Et si Kobayashi avait été l'égal d'un Mizoguchi ou d'un Kurosawa ? [Critique écrite en 2005]