Flics ou Voyous

"L.627" fait partie de ces œuvres qu'il est approprié d'évaluer non seulement en tant qu'objet filmique, mais en tant que grosse influence en son temps. Car avec son aspect cru et documentaire, cette chronique au sein d'une brigade des stupéfiants parisienne inspirera bon nombre de fictions françaises policières dans les années 90/2000. Je pense en particulier à la série PJ. Ou même aux premiers films d'Olivier Marchal.

Soit, mais qu'en est-il plus de 30 ans après sa sortie ? Le film de Bertrand Tavernier a-t-il encore quelque chose à dire ?

En un mot : oui. Si le style simili-documentaire a déjà été vu 150 fois depuis, il faut saluer son originalité pour l'époque. La mise en scène est aux antipodes du spectaculaire à l'américaine, on est au plus près d'une bande de flics dont on voit le quotidien.

Et sans juger, le réalisateur présente les difficultés et les dérives du métier. Un police écrasée par le manque de matériels, les locaux misérables, la réglementation absurde, la course aux statistiques, ou des locaux délabrés. Et des policiers souvent alcoolisés, beaufs, racistes, cogneurs, parfois voleurs, qui cèdent au je-m'en-foutisme.

Mais surtout, des hommes & femmes en première ligne de la misère sociale. Sans papiers, dealers de bas étage, camés laissés pour compte, SIDA (et oui on est en 1992 !)... Bertrand Tavernier dénonce moins la police que le climat social, et ne sombre jamais dans une once de fascisme.

Pour porter son film, le réalisateur s'appuie sur des comédiens charismatique. Didier Bezace en enquêteur expérimenté et peu ambitieux, entiché d'une prostituée toxicomane dont il se veut le protecteur. Charlotte Kady, dont la carrière décolla avec ce rôle d'inspecteur à grande gueule dans une équipe très masculine. Un jeune Philippe Torreton dans l'un de ses premiers rôles au cinéma, en équipier à sang chaud. Ou la gueule Jean-Roger Milo en policier semi-ahuri.

Et Tavernier n'hésite pas à taper fort, avec nombre de petites séquences dont la violence physique ou verbale aurait du mal à passer aujourd'hui dans une fiction avec des héros policiers.

Un drame qui demeure solide. Je ne lui reprocherai que sa durée un poil excessive (2h25) pour une chronique.