Le réalisateur Frédéric Tellier (L'Affaire SK1, Sauver ou périr, Goliath) s'attaque à l'une des grandes figures de la France du 20e siècle à travers cette fresque humaniste à gros budget, se fixant comme objectif de passer en revue le destin hors-normes de celui qui fut le porte-voix des sans voix.
Un biopic qui ne manque pas d'une certaine ampleur cinématographique, mais qui dans le même temps n'ose jamais vraiment sortir des plots du genre.
En résulte une œuvre très calibrée et académique dans sa forme, se sentant obligée de tout raconter, quitte à survoler certains sujets importants, plutôt que de se centrer uniquement sur une période bien précise.
La réalisation de Tellier reste très soignée dans l'ensemble (accompagnée d'une belle photographie claire-obscure), même si la signification de certains partis-pris m'échappe encore (les plans flous sur les côtés notamment) et que la musique de Bryce Dessner, très emphatique, est parfois trop présente à mes yeux.
La grande force de ce film finalement, et qui est au centre de son dispositif, c'est son casting. On peut bien sûr citer Emmanuelle Bercot ou Michel Vuillermoz, méconnaissables et touchants. Mais c'est surtout l'excellent Benjamin Lavernhe qui nous livre l'une de ses plus belles interprétations. Complètement habité par son rôle, il est l'Abbé Pierre, que ce soit dans sa jeunesse comme dans ses dernières années (mention spéciale aux maquillages, de très grande qualité). Il incarne avec une conviction totale cet homme qui s'est battu toute sa vie (sur le front, à l'assemblée, dans la rue) pour les plus démunis et n'a jamais cessé d'aider et d'espérer.
En bref, une œuvre trop hagiographique et grandiloquente d'un point de vue formel (assez loin de l'humilité qui caractérisait l'Abbé Pierre) pour convaincre vraiment, malgré une émotion qui arrive à percer lors de certaines séquences (à l'image du chapitre "hiver 1954" et de ce cri du cœur, ou encore de ce dernier échange entre frères), et qui brille surtout de par sa distribution.
Une manière (plutôt judicieuse) également de continuer à transmettre le message humaniste du fondateur d'Emmaüs, provocateur de la paix et frère des pauvres, et de rappeler que ce combat est, malheureusement, encore et toujours d'actualité. 6,5/10.