Après Simone Veil, il était tout à fait logique d’enchaîner sur une nouvelle figure de la mythologie nationale. Les mêmes procédés seront appliqués : un sous-titre fédérateur (après « Le voyage du siècle », voici donc « Une vie de combats ») qui sent bon le manuel d’Histoire, une durée conséquente (2h20 pour les deux) et un projet directement destiné aux bus de l’Éducation Nationale, en plus de porter aux nues un comédien -ici Benjamin Lavernhe, parfaitement convaincant et bien moins maquillé que sa collègue.
Il n’y a là rien de bien condamnable. Après tout, la vie de l’Abbé Pierre fut suffisamment longue et engagée pour la matière narrative nécessaire à un bon biopic, et son combat héroïque aura évidemment bien des échos avec la misère contemporaine qu’il est loin d’avoir éradiquée.
On modérera nos attentes en termes de mise en scène, surtout pour la partie sur la guerre, Fredéric Tellier se révélant plus habile dans l’espace restreint du thriller (Goliath, L’Affaire SK1) que dans le film historique, pour des scènes de combat mal gérées et des recours à des lentilles spécifiques dont la pertinence pose question, ou une mystique (le désert, la noyade) assez poussive dans son imagerie. Mais l’essentiel n’est évidemment pas là : le public (y compris et peut être surtout celui qu’on emmènera sans lui demander son avis) y apprendra le long parcours d’un acharné, la naissance d’Emaus et la manière dont les oubliés l’ont été d’autant plus durant la grande poudre aux yeux que furent les Trente glorieuses. Le binôme formé avec la sœur Lucie fonctionne plutôt bien, apportant une certaine lucidité sur le combat à mener et l’image médiatique qui peut échapper à l’homme devenu public par la force des choses. Cette dimension permet au récit d’éviter de dériver vers un catéchisme trop poussif, et de s’en tenir aux faits. Et si le récit n’en finit pas de s’achever, c’est autant pour souligner la longévité du protagoniste qu’une désolante réalité : son combat ne sera jamais terminé.