Cela commence selon les principes du documentaire. Une prise de connaissance polie et distante avec des inconnus. Comme si l'on arrivait dans un nouveau cours. Le sujet d'ailleurs en est un peu étrange et le nom de l'école, plus encore. Un professeur, une sorte d'Umberto Eco, comme en coq en pâte devant une vingtaine de jeunes filles (et sa compagne mais qu'on ne remarque pas d'abord) parle de l'amour courtois, des mythes grecs, de la femme faite muse.
Puis très vite, la distance polie se trouble... Les images se dédoublent de reflets. Le professeur discute avec sa compagne, puis avec ses élèves. Les discussions se font plus personnelles, le cours et le vécu se font écho, les élèves et le professeur s'interpellent, les expériences vécues et la poésie se mêlent, les unes ressuscitant l'autre, l'autre multipliant les unes. Le documentaire "technique" sur un sujet glisse vers un documentaire sur les gens qui se consacrent à ce sujet : l'amour, la passion, le verbe qui en est la trace. Il y a dans ce glissement l'exact équivalent d'une prise de connaissance avec un être qui glisserait vers le sentiment amoureux, voire la passion.
Et puis à deux ou trois reprises, en Sardaigne ou sur l'écran à double entrée d'une vitre de voiture ou de café, L'académie des muses - hymne au verbe et à l'amour - retrouve ce temps où la poésie était la respiration même du sentiment et où ce sentiment intérieur était un accord avec le monde extérieur, une forme où circulent ensemble les intérieurs et les extérieurs, les êtres et les choses qui les émeuvent. Le film ne se contente plus de chanter le verbe et sa puissance, il fait du cinéma l'instrument même de cet accord magique et scientifique à la fois : celui d'une connaissance du monde par l'expérience, l'œil et la science. Le chant des pasteurs de Sardaigne est sans doute le point culminant de cette réussite où le chant nous ouvre soudain les mystères de la métrique grecque, de sa poésie, voire de sa sensibilité sans oublier ceux du dialogue possible avec les morts. Un passage dont l'amour et le cinéma sont les clés et que le film de José Luis Guérin fait tourner à plusieurs reprises, libérant des serrures - et sans doute aussi des indignations de la pauvre-pensance contemporaine...

JM2LA
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le 4 déc. 2015

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