"Le mieux est l'ennemi du bien" : même nos grands-mères le savaient, qui nous ont transmis cet adage de la sagesse populaire. Maintenant, soit ce dicton n'existe pas en Catalogne, soit Oriol Paulo n'a pas fréquenté assez sa grand-mère, parce qu'on dirait qu'à chacun de ses films, il fait la même erreur : remplir son scénario de thriller malin jusqu'à l'explosion, comme si rajouter encore et encore des tours d'écrou garantissait une sorte de perfection de la machinerie qu'il a construite... sauf que, bien entendu, c'est exactement le contraire qui se passe : le spectateur, épuisé par le nième changement de perspective en deux minutes trente, incapable de vérifier si la logique narrative est préservée à force de la voir retournée comme un gant, décroche. Et termine le film avec le sentiment de se moquer complètement de ce qui peut bien se passer...
"Contratiempo" (pour utiliser le titre original, pertinent, plutôt que le florilège de titres "internationaux" largement débiles...) est un excellent film jusqu'à ses 30 dernières minutes où le scénario part donc totalement en vrille : il y a quelque chose d'hitchcockien dans la manière implacable dont les "ennuis" (les contretemps... doux euphémisme) s'accumulent sur le couple adultérin, qui semble prendre du coup toutes les mauvaises décisions. Il y a de l'Agatha Christie dans les tentatives de résolution d'un meurtre impossible dans une chambre close. Et il y a aussi, référence moins usée, du "Limier" de Mankiewicz, dans le face à face à chausse-trappe entre un accusé et son avocate. Tout cela est bien fait, créant une tension bien gérée, et un véritable plaisir pour les neurones de quiconque aime les polars cérébraux. Et ce jusqu'au crash de l'absurde accélération finale, dont on se demande finalement si elle n'a pas pour but de dissimuler de graves incohérences dans l'histoire : terrible défaite pour un scénariste que de perdre ainsi toute la crédibilité construite par une mise en scène efficace pendant plus d'une heure !
On aimera néanmoins la révélation finale, même si - ou peut-être surtout parce que - on l'a vue venir de loin, ce qui prouve par l'absurde que faire simple n'est pas une tare...
Depuis "Contratiempo", Paulo a réalisé "Mirage" qui présente à peu près les mêmes défauts. La preuve que le Catalan a la tête dure ?
[Critique écrite en 2019]